Barack Obama a salué lundi, au deuxième jour d'une visite historique à La Havane, un «jour nouveau» dans les relations entre les États-Unis et Cuba, tout en reconnaissant la persistance de profondes divergences.

Image longtemps inimaginable: le président des États-Unis et son homologue cubain Raul Castro ont participé à une conférence de presse commune, par instants tendue, au palais de la Révolution de La Havane, puissant symbole de la lutte contre «l'impérialisme américain».

Premier président américain en exercice à se rendre à Cuba depuis 88 ans, Barack Obama, qui quittera le pouvoir en janvier 2017, souhaite, avec cette visite riche en symboles, rendre irréversible le rapprochement engagé avec le régime communiste.

«Après plus de cinq décennies très difficiles, les relations entre nos gouvernements ne vont pas changer du jour au lendemain», a-t-il reconnu, tout en assurant avoir des conversations «franches et directes» sur les points de désaccord, démocratie et droits de l'homme en tête.

Si M. Obama a salué «l'esprit d'ouverture» de son homologue cubain, de 30 ans son aîné, il a cependant assisté médusé aux réponses courroucées de ce dernier lorsqu'un journaliste américain lui a posé une question sur les prisonniers politiques.

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Les deux hommes ont échangé sourires et poignées de main avant d'entamer leurs discussions à huis clos, ont constaté des journalistes de l'AFP.

«Donnez-moi la liste!»

«Donnez-moi la liste immédiatement pour que je les libère (...) Donnez-moi le nom ou les noms (...) S'il y en a, ils seront libérés avant la nuit !», a lancé le leader cubain, irrité.

«On ne peut pas politiser la question des droits de l'homme, ce n'est pas correct», a-t-il ajouté, un peu plus tard.

Sans surprise, la leader cubain a une nouvelle fois réclamé avec force la suppression de l'embargo qui pénalise son pays depuis 1962.

«La liste des mesures que nous pouvons prendre administrativement est de plus en plus courte et les changements vont maintenant dépendre du Congrès», a souligné, en écho, M. Obama qui se heurte sur ce sujet à ses adversaires républicains.

Un peu plus tôt, les deux hommes avaient écouté les hymnes des deux anciens pays ennemis retentir dans l'imposant bâtiment.

La pluie battante sous laquelle a été accueilli le président américain dimanche avait cédé la place lundi à un ciel gris et couvert.

Avant de se rendre au palais de la Révolution, M. Obama avait rendu un hommage à José Marti, père de l'indépendance cubaine, lors d'une brève cérémonie à laquelle n'assistait pas le président cubain, qui ne s'était pas non plus déplacé à l'aéroport dimanche.

La Une sans emphase du quotidien officiel cubain Granma - «Obama en visite officielle à Cuba» - contribuait à renforcer l'idée d'une volonté de régime de ne pas donner un relief excessif à cette visite.

«Je voulais le voir»

Fabian Rodriguez, chauffeur de taxi de 35 ans, regrettait amèrement les mesures mises en place par le gouvernement pour tenir les Cubains à distance du président américain.

«Je voulais vraiment le voir mais ils ne nous ont pas laissé la moindre chance», expliquait-il.

«Ils disent que c'est pour des raisons de sécurité mais il ne se serait rien passé», déplorait-il, soulignant que l'accès était nettement plus facile lors de la visite du pape François début février.

Le président américain a invité plusieurs dissidents mardi à l'occasion d'une réunion avec la société civile, qui se déroulera à l'abri des murs de l'ambassade ou de la résidence américaine.

Les interpellations menées dimanche lors du défilé du mouvement dissident des Dames en Blanc, quelques heures à peine avant son arrivée, ont sonné comme un rappel du caractère répressif du régime communiste.

Derrière la poignée de main et les sourires, la rencontre entre les deux hommes est aussi, à de nombreux égards, une bataille de symboles et d'images.

«D'un point de vue cubain, cette visite présente un risque», souligne Richard Feinberg, de la Brookings Institution, évoquant la comparaison peu flatteuse entre un leader blanc «vieillissant» et un président noir et «plein d'énergie» de 30 ans son cadet.

La résonance pourrait être particulièrement forte au sein de la communauté afro-cubaine, sous-représentée au sein des élites politiques cubaines.

Les deux pays ont rétabli leurs relations diplomatiques en juillet 2015, et Washington a rayé Cuba de sa liste des pays soutenant le terrorisme en mai, mais les contentieux restent de taille entre les deux anciens ennemis de la guerre froide.

Si un dîner d'État est prévu au palais de la révolution, aucune rencontre n'a été organisée avec l'ex-président Fidel Castro, âgé de 89 ans.

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Le président Obama accompagné de la Première dame Michelle et de ses deux filles Malia (à droite) et Sasha (à gauche), à La Havane, le 20 mars.