La présidente brésilienne de gauche Dilma Rousseff s'est retrouvée lundi dos au mur, au lendemain de manifestations d'une ampleur historique pour réclamer son départ, et cherche des solutions pour assurer sa survie politique avec un atout maître: Lula.

Exaspérées par la corruption, la récession économique et la crise politique qui paralysent le Brésil, quelque trois millions de personnes, selon la police, ont défilé dans tout le pays aux cris de «Dilma dehors!».

L'opposition espère que cette mobilisation fera réfléchir les députés qui devront bientôt voter pour ou contre la destitution de la présidente, réélue de justesse en 2014.

Lundi, Dilma Rousseff a rencontré ses plus proches ministres pour évaluer la situation politique mais elle «ne changera rien dans l'ordre du jour du gouvernement», a prévenu son chef de cabinet, Jacques Wagner.

Qualifiant les manifestations de dimanche de «grandes et significatives», M. Wagner a toutefois souligné que «la bonne ou la mauvaise humeur de la rue va de pair avec l'économie». 

«Si on me cherche, on va me trouver» 

Vendredi, ce sera au tour du Parti des Travailleurs (PT, au pouvoir), des syndicats et des mouvements sociaux liés au PT, de montrer leur force. L'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), prédécesseur et mentor de Mme Rousseff, pourrait y participer.

Lundi, les enquêteurs travaillant sur l'affaire Petrobras ont rendu publique la déposition faite le 4 mars par Lula, 70 ans, après son interpellation dans le cadre de ce dossier.

L'ancien chef de l'État y manifeste son intention de briguer la présidence en 2018 et y qualifie les poursuites judiciaires à son encontre de «saloperie homérique».

«Je suis un petit vieux. Je voulais me reposer. Mais je vais être candidat à la présidence en 2018, parce que si on me cherche, on va me trouver», a-t-il déclaré aux policiers.

Lula reste un atout maître pour une présidente soucieuse de renverser la vapeur et dont la marge de manoeuvre s'est considérablement réduite. Elle l'a à cet égard pressé vendredi d'entrer dans son gouvernement.

«Lula a fait un excellent second mandat. Il est considéré comme ayant été le meilleur président du Brésil et son nom reste important pour 2018», a déclaré lundi à l'AFP l'analyste Michael Freitas Mohallem, de la Fondation Getulio Vargas.

Mais ses récents déboires judiciaires, avec une menace d'emprisonnement à la clé, ont entaché son image. Son entrée au gouvernement, qui le mettrait à l'abri de la justice ordinaire, pourrait passer pour une dérobade.

La presse estimait lundi que l'ancien ouvrier, président du miracle socio-économique brésilien des années 2000 qui jouit d'une aura et d'un talent politique sans équivalent au Brésil, «attendrait la décision de la justice sur sa détention provisoire avant d'accepter ou de refuser d'entrer au gouvernement».

Lundi également, la juge de Sao Paulo à laquelle le parquet local avait demandé mercredi de poursuivre l'ancien chef de l'État pour «occultation de patrimoine» et de le placer en détention provisoire s'est dessaisie au profit du juge fédéral Sergio Moro, qui enquête déjà sur l'ex-président pour des faits présumés de «corruption» et de «blanchiment» d'argent.

Ce qu'il adviendra au plan judiciaire de Lula dépend donc désormais entièrement du juge Moro, d'autant plus redouté qu'il a déjà placé en détention les patrons des plus puissants groupes de BTP du Brésil.

Autre motif de sérieuse préoccupation pour la présidente: le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), pilier incontournable de sa coalition, s'est donné samedi 30 jours pour décider s'il claquera ou non la porte du gouvernement. 

Pire scénario

«Le week-end a été très mauvais pour le gouvernement. Les manifestations ont été massives (...) C'est le pire scénario», commente Sergio Praça, analyste en sciences politiques à la Fondation Getulio Vargas de Rio de Janeiro.

Dilma Rousseff vit depuis décembre sous la menace d'une procédure de destitution. L'opposition accuse son gouvernement d'avoir maquillé les comptes publics en 2014 pour minimiser l'ampleur des déficits et favoriser la réélection de Mme Rousseff.

Mercredi, le Tribunal suprême fédéral (STF) doit définitivement fixer les règles concernant la procédure parlementaire correspondante, qui devrait rebondir immédiatement après.

La bataille n'est pas forcément perdue pour la présidente, qui ne compte pas démissionner, d'autant que le chef de l'opposition Aecio Neves, président du Parti social-démocrate brésilien (SFB, centre droit), n'est pas un farouche partisan de sa destitution.