L'opposition vénézuélienne, forte de sa majorité parlementaire, a mobilisé samedi des milliers de manifestants dans le pays pour tenter de faire partir le président socialiste Nicolas Maduro, qui a rétorqué par une démonstration de force parallèle.

Aux cris de «Démission !», plusieurs milliers d'opposants au chavisme (du nom du défunt président Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013) se sont réunis à Chacao, à proximité de Caracas, tandis qu'une marée rouge tout aussi importante était rassemblée dans le centre de la capitale pour soutenir Nicolas Maduro en scandant «Maduro ne s'en va pas !» et «Yankees, go home !».

Dans ce pays parmi les plus violents du monde, hanté par le souvenir des mobilisations anti-gouvernement qui s'étaient soldées en 2014 par 43 morts, aucun affrontement n'était à signaler.

En clôture de la marche, un des leaders de l'opposition et président du Parlement vénézuélien, Henry Ramos Allup a annoncé le lancement à partir de dimanche d'un «débat permanent» à l'Assemblée pour discuter de la prolongation de l'état d'urgence économique, décrété par le président Maduro le 15 janvier.

Ce texte, qui lui accordait des pouvoirs étendus pour 60 jours renouvelables, avait été rejeté une semaine plus tard par le Parlement, avant d'être malgré tout validé par le Tribunal suprême de justice (TSJ), accusé d'être inféodé au chavisme.

Sous le slogan «Allez, on donne tout !» («Vamos con todo !»), la vaste coalition de la Table de l'unité démocratique (MUD), qui va de la gauche modérée à la droite dure, avait convoqué ses sympathisants à Caracas et dans 15 des 23 États du pays sud-américain.

En misant sur la rue, le camp adverse au président Maduro cherche un soutien de poids aux deux procédures légales lancées cette semaine par l'opposition pour tenter d'écourter le mandat du chef de l'État, même si elles ont a priori peu de chances d'aboutir.

«Je suis là pour lutter»

Dans ce pays pétrolier miné par la chute des cours du brut, où la population souffre quotidiennement d'une inflation galopante et de graves pénuries, l'opposition travaille dans deux directions pour faire partir au plus vite Nicolas Maduro: un référendum révocatoire et une modification de la Constitution pour raccourcir son mandat.

Ces initiatives requièrent toutefois le feu vert d'organismes réputés proches du gouvernement, le TSJ et le Conseil national électoral (CNE), d'où le recours aux manifestations pour exercer une pression populaire.

En face, Nicolas Maduro a promis samedi de rester au pouvoir «jusqu'au dernier jour», lors d'un discours devant ses partisans où il a repris le style grandiloquent de son prédécesseur et mentor, Hugo Chavez.

«Qu'ils fassent ce qu'ils veulent. Je suis là pour lutter», a-t-il lancé.

Soucieux de montrer le soutien dont il bénéficie encore, le président avait aussi donné rendez-vous à ses partisans dans les rues de Caracas samedi avec un mot d'ordre différent : dénoncer la décision de Washington de renouveler un décret qualifiant le Venezuela de «menace inhabituelle et extraordinaire contre la sécurité» américaine.

En réaction à ce décret, Caracas a rappelé mercredi son plus haut représentant diplomatique aux États-Unis.

Le président cubain Raul Castro a fait part vendredi soir de son «appui inconditionnel» à son allié.

De son côté, le Secrétaire général de l'Organisation des États Américains Luis Almagro a jugé que le chef d'État vénézuélien «aurait dû avancer l'amnistie des prisonniers politiques au Venezuela», samedi dans un entretien au quotidien chilien La Tercera.

Le mécontentement populaire face à Nicolas Maduro, sur lequel parie l'opposition, lui a déjà permis de remporter une victoire historique le 6 décembre lors des législatives, devenant ainsi largement majoritaire au Parlement.

Pour l'analyste Luis Vicente Leon, interrogé par l'AFP, l'exaspération face au chavisme est désormais le sentiment prédominant chez les Vénézuéliens.

«Ce que ne peuvent faire ni le gouvernement, ni le Tribunal suprême de justice, ni le Conseil national électoral, c'est changer une réalité», explique-t-il: «que la majorité de la population veut des changements, que la majorité de la population n'est pas chaviste et qu'en cas de processus électoral, l'opposition gagnerait».