Interpellé et interrogé vendredi dans le cadre du scandale de corruption Petrobras, l'ex-président brésilien Lula, icône de la gauche, a annoncé qu'il se battrait jusqu'au bout et appelé ses partisans à descendre dans la rue pour défendre le Parti des travailleurs (PT, gauche), au pouvoir.

«S'ils veulent me vaincre, alors ils devront m'affronter dans les rues de ce pays» et «moi j'ai survécu à la faim, et celui qui survit à la faim ne renonce jamais», a-t-il lancé vendredi soir, devant des centaines de ses partisans réunis à Sao Paulo.

Samedi matin, 500 militants du PT s'étaient rassemblés devant le domicile de Luiz Inacio Lula da Silva, à la tête du Brésil de 2003 à 2010, pour le soutenir, ont constaté des journalistes de l'AFP.

«Nous sommes ici par solidarité. Cette mesure d'hier a eu l'effet contraire. Cela renforce le PT et le mouvement en défense du président Lula», a témoigné Jesualdo Freitas, un fonctionnaire de 57 ans.

Vers 13h, Lula est descendu de chez lui et a marché parmi eux, serrant de nombreuses mains, juste avant l'arrivée de la présidente Dilma Rousseff, arrivée de Brasilia pour un entretien privé dans l'appartement de son prédécesseur.

Très impopulaire, elle aussi est en mauvaise posture, menacée par une procédure de destitution déclenchée fin 2015 par un groupe de juristes soutenus par l'opposition qui l'accusent d'avoir maquillé les comptes publics, au moment où le Brésil, première économie d'Amérique latine, traverse une récession sans précédent.

Dans la nuit toutefois, les murs de la fondation «Institut Lula» ont été tagués et on pouvait y lire : «Lula Voleur ! À bas la corruption ! Ton heure est arrivée !».

Portant un t-shirt rouge, l'étoile du parti sur la poitrine, Lula, 70 ans, a réitéré vendredi soir de sa voix rauque le message de combativité qu'il avait adressé dans la matinée juste après son interrogatoire par la justice.

Les procureurs «ont ravivé la flamme qui m'habite ! Je ne sais pas si je serai candidat en 2018 (à la présidence) mais cela augmente mon envie», avait-il déclaré, promettant de parcourir son pays pour défendre le parti qu'il a fondé en 1980, vers la fin de la dictature.

C'est «exagéré»

La journée avait mal commencé pour lui, la police frappant à la porte de son domicile en grande banlieue de Sao Paulo pour qu'il s'explique sur un appartement et une maison de campagne qui lui appartiendraient et auraient été financées par des entreprises accusées de corruption, ce qu'il nie.

Des dizaines de militants favorables ou hostiles à Lula s'y insultaient mutuellement, en venant parfois aux mains.

Des manifestations des deux camps sont prévues pour dans les prochains jours.

«Déplorant les manifestations et les actes de violence» de la veille, le juge Sergio Moro, de Curitiba (État de Parana, sud), chargé du dossier Petrobras, a affirmé dans un communiqué que l'interrogatoire de Lula ne présageait en rien de son éventuelle «culpabilité».

Après le président vénézuélien Nicolas Maduro vendredi, le dirigeant équatorien Rafael Correa a apporté samedi son soutien à Lula : «Je suis sûr qu'il n'a rien à voir avec les scandales, ils ont voulu l'humilier».

Mais selon le procureur Carlos Fernando dos Santos Lima, Lula a bénéficié de «beaucoup de faveurs» de la part de grandes entreprises du bâtiment mises en cause dans le cadre de ces scandales.

Son interpellation divisait les juristes samedi, beaucoup trouvant cela «exagéré», à l'instar de l'un des juges de la Cour Suprême.

«On ne peut pas obliger quelqu'un à témoigner quand il n'y est pas tenu. C'est le cas de Lula puisqu'il a déjà témoigné spontanément dans le cadre de cette affaire», a déclaré à l'AFP Thiago Bottino, spécialiste en droit pénal à la Fondation Getulio Vargas (FGV).

Mais le procureur allègue que le mandat d'amener mis à exécution à l'aube chez Lula avait pour but d'éviter le tumulte dans les rues.

Selon Michel Mohallem, professeur de droit à la FGV, «le discours de Lula a été très fort et a entraîné une grande réaction sur les réseaux» sociaux en sa faveur. Désormais, «il peut jouer les martyrs et sortir renforcé dans ses arguments».