Le président bolivien Evo Morales a admis mercredi avoir «perdu la bataille» lors du référendum de dimanche, où il demandait à pouvoir briguer un quatrième mandat (2020-2025), un nouveau revers pour la gauche latino-américaine.

«Nous respectons les résultats, cela fait partie de la démocratie», a déclaré le dirigeant socialiste lors d'une conférence de presse, avant d'ajouter: «Nous avons perdu la bataille, mais pas la guerre», «la lutte continue».

Après décompte de 99,72% des bulletins, la tendance est irréversible : le non l'emporte avec 51,30% des suffrages, selon les autorités électorales.

Il s'agit de la première défaite politique du plus ancien président en exercice d'Amérique latine, en place depuis 2006 et qui devra donc quitter le pouvoir début 2020.

Mais Evo Morales, 56 ans, a voulu en minimiser la portée, affirmant que son parti, le Mouvement vers le socialisme (MAS), bénéficie encore du soutien de «50%» de la population.

Dans ce pays où le vote est obligatoire, 6,5 millions de Boliviens, plus 300 000 à l'étranger, avaient été appelés dimanche à autoriser leur président à briguer un quatrième mandat pour rester au pouvoir jusqu'en 2025.

Avant le scrutin, l'ancien berger de lamas devenu premier président amérindien de la Bolivie s'était montré serein face à une éventuelle défaite : «Je suis prêt. Avec un tel bilan (à la tête de la Bolivie), je retournerai heureux et content chez moi. J'adorerais être dirigeant sportif», avait-il confié au quotidien espagnol El Pais.

L'échec d'Evo Morales survient après plusieurs revers, ces derniers mois, pour la gauche latino-américaine.

En Argentine, le président libéral Mauricio Macri a mis fin au règne des Kirchner, au Venezuela, le gouvernement chaviste de Nicolas Maduro a perdu la majorité parlementaire pour la première fois en 16 ans, tandis qu'au Brésil, la présidente de gauche Dilma Rousseff est en grande difficulté.

«Plus de grand leader»

«C'est une nouvelle défaite pour le dénommé "Socialisme du 21e siècle", qui est arrivé dans la région il y a 18 ans, sous la houlette du défunt Hugo Chavez (ex-président du Venezuela, ndlr), et qui a connu son moment de gloire dans la décennie passée et au début de celle-ci», observe le professeur universitaire péruvien Francisco Belaunde.

Certains de ces gouvernements ont pâti du ralentissement économique, d'autres de l'usure naturelle du pouvoir ou encore de scandales de corruption.

«Je crois que nous allons entrer dans une phase de transition, pas avec un changement radical, à l'exception de l'Argentine, mais avec une tendance plutôt vers le centre gauche», estime Marcelo Silva, professeur de sciences politiques de l'Université de San Andrés à La Paz.

Pour Carlos Novoa, spécialiste péruvien des questions internationales, au décès d'Hugo Chavez en 2013, ce n'est pas seulement le Venezuela qui a perdu un leader, mais aussi une partie de la gauche en Amérique latine.

«Ni Chavez, ni Morales, ni les Kirchner n'ont réussi à créer un mouvement politique durable au-delà de ses propres dirigeants. Ils ont construit leurs partis sur le culte d'un leader, sans en chercher de nouveau», critique-t-il, et «le Socialisme du 21e siècle n'a plus de grand leader».

Toutefois, comme souligne Gaspard Estrada, directeur exécutif de l'Opalc, l'observatoire sur l'Amérique latine de SciencesPo Paris, «à la différence d'autres présidents latino-américains, Evo Morales reste une figure populaire, respectée».

Et la Bolivie bénéficie d'«une croissance économique» - notamment grâce à ses ressources en gaz - qui manque cruellement ailleurs.

«Ce que montre le résultat du référendum c'est que le pays reste divisé par rapport à l'expérience politique du MAS» et la victoire du non «est plutôt une sanction» face à sa volonté de rester indéfiniment au pouvoir, selon M. Estrada.

Les accusations de corruption à l'encontre de M. Morales ont aussi joué: il est soupçonné d'avoir usé de son influence en faveur de son ex-compagne, Gabriela Zapata (28 ans), dont l'entreprise a signé des contrats avec le gouvernement pour des centaines de millions de dollars.

Enfin, le mouvement indigène, noyau dur de son électorat, a manifesté ces derniers mois son agacement, parfois violemment, réclamant le droit à être consulté pour les projets d'exploitation d'hydrocarbures, qui se multiplient.