Les élections haïtiennes ne sont qu'une «mascarade», a déclaré à l'AFP le poète et romancier haïtien Lyonel Trouillot, qui dénonce «l'influence très négative» des «puissances occidentales» dans son pays.

«Seule la communauté internationale et l'exécutif haïtien parlent de la tenue d'élections en Haïti», explique l'écrivain haïtien, de passage à Paris pour présenter son roman Kannjawou (Actes Sud).

«Pour le peuple haïtien (...), il n'y aura pas d'élections. D'ailleurs, ce sont des élections avec un seul candidat. Qu'ils fassent seuls leur mascarade», poursuit l'écrivain.

Le gouvernement haïtien a confirmé jeudi le maintien de la présidentielle dimanche pour éviter le risque de plonger le pays «dans le chaos», malgré le refus de l'opposition d'y participer, les craintes de violences et les inquiétudes de la communauté internationale. Un seul candidat, celui du pouvoir, sera en lice.

Au premier tour du scrutin présidentiel, le 25 octobre, Jovenel Moïse, le candidat du pouvoir, avait recueilli 32,76 % des voix, contre 25,29 % pour Jude Célestin, des résultats qualifiés de «farce ridicule» par M. Célestin.

Ce dernier a annoncé qu'il ne participerait pas au scrutin et depuis deux mois l'opposition dénonce «un coup d'État électoral» fomenté par le président Michel Martelly, qui ne peut pas prétendre à un deuxième mandat consécutif en vertu de la Constitution.

Dans son roman, Lyonel Trouillot, un des écrivains haïtiens les plus en vue, fait le portrait d'une génération désenchantée qui vit sous «l'occupation» de soldats étrangers.

«La MINUSTAH (la mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti, NDLR) ce sont des troupes étrangères avec des contingents venant de différents pays. Je ne vois pas comment les appeler autrement qu'armée d'occupation», soutient le romancier. «C'est la perception de la majorité des Haïtiens», ajoute-t-il.

Lyonel Trouillot dénonce «l'obsession de prolonger un processus pourri qui n'est que parodie et mascarade de la part de la communauté internationale et de l'actuel exécutif haïtien». Il fustige «l'influence très négative que les puissances occidentales ont pu exercer sur la réalité haïtienne».

Dans le roman, un de ses personnages affirme: «Nous sommes dans un présent dont nous ne sommes pas les maîtres». «C'est un personnage qui parle, mais c'est bien la réalité, c'est le sentiment de la majorité des Haïtiens», accuse M. Trouillot.

«Cela fait quand même à peu près une dizaine, voire une douzaine d'années, que toutes les décisions politiques haïtiennes sont prises pratiquement sous le diktat de cette nébuleuse qu'on appelle la communauté internationale», déplore-t-il.