Certains opèrent dans l'ombre, d'autres en profitent pour attirer les projecteurs : autour du célèbre narcotrafiquant mexicain «El Chapo», une nébuleuse d'avocats gravite, qui a fait prospérer ses affaires mais aussi précipité sa chute.

Selon la justice, c'est avec l'aide présumée d'un de ses défenseurs, Oscar Manuel Gomez - désormais sous les verrous - que le puissant trafiquant de drogue, Joaquin Guzman de son vrai nom, avait réussi à construire un long tunnel sous sa cellule pour s'échapper de prison pour la deuxième fois, il y a six mois.

De même, le travail de ses avocats a permis de freiner considérablement le processus d'extradition du Mexicain vers les États-Unis.

L'un d'eux, Andrés Granados, a même offert au narcotrafiquant le plus puissant au monde l'un de ses rêves : une rencontre avec l'actrice Kate Del Castillo pour préparer un film à Hollywood racontant sa vie.

C'est justement cet épisode qui a conduit les autorités sur sa piste, entraînant son arrestation le 8 janvier à Los Mochis, dans l'État de Sinaloa (nord-ouest).

«Son équipe d'avocats ressemble plutôt à une équipe de soutien à son entreprise. Ce sont des associés, des complices d'affaires», explique à l'AFP Raul Benitez Manaut, expert en sécurité à l'Université nationale autonome de Mexico.

13 avocats différents

Si la majorité d'entre eux fait profil bas, Juan Pablo Badillo, 74 ans, toujours très élégant devant la presse, est le plus connu et expérimenté, ayant défendu Joaquin Guzman dès 1993 peu après sa première arrestation au Guatemala et huit ans avant sa première évasion.

Il ne tarit pas d'éloges sur son client, qu'il décrit dans un entretien au Washington Post comme un homme «extrêmement intelligent», très fort» et faisant montre d'un «respect immense» envers les autres.

L'avocat septuagénaire a rendu visite six fois à El Chapo dans sa prison à haute sécurité d'El Altiplano, entre son arrestation en février 2014 et sa nouvelle évasion en juillet dernier.

Il n'a pas été le seul.

Oscar Manuel Gomez, qui aurait organisé sa fuite, est lui aussi venu de nombreuses fois voir le narcotrafiquant, y compris à quelques heures seulement de son évasion.

«Auparavant, il recevait les visites de 13 avocats différents. Maintenant, nous allons être beaucoup plus stricts, tous les manquements qu'il y avait vont être corrigés», a assuré la semaine dernière le ministre de l'Intérieur Miguel Angel Osorio Chong.

Selon un haut fonctionnaire du système pénitentiaire, six personnes sont enregistrées comme assurant la défense d'El Chapo: Jorge Rodriguez, Cynthia Castillo, Carlos Castillo, Alejandro Granados et Jorge Olmos. Leurs visages sont inconnus du grand public.

Un défenseur atypique

Mais celui dont les Mexicains connaissent bien le visage est José Luis Gonzalez Meza, 73 ans, qui se présente comme avocat du narcotrafiquant, dont il critique les conditions de détention, affirmant que même Adolf Hitler serait mieux traité dans un tel cas.

La semaine dernière, il exhibait, indigné, devant la presse les chaussons et les sous-vêtements qu'il avait apportés pour Joaquin Guzman mais que les autorités pénitentiaires lui ont refusés. On l'a aussi vu protester avec des pancartes, face à la Cour Suprême, pour rejeter son extradition vers les États-Unis.

Son profil est atypique : à la tête d'une ONG défendant «les plus pauvres», il avait voulu se présenter à l'élection présidentielle de 2012.

Il affirme défendre l'ennemi public numéro un du Mexique après avoir été contacté par «un proche» du narcotrafiquant.

Même s'il ne le connaît pas en personne, il ne cesse de le défendre face aux médias, assurant qu'il ne lui facturera pas un centime pour ce labeur.

«Vous savez pourquoi il me plaît. Son organisation n'a jamais enlevé de gens pauvres (...) j'aimerais bien connaître un homme politique mexicain ayant donné de l'argent aux pauvres. Aucun! Mais eux (les hommes d'El Chapo, NDLR), si, donc je trouve ça très louable», déclare à l'AFP M. Meza, jugeant «insignifiant» le fait que M. Guzman soit également jugé responsable de nombreux meurtres.

«Finalement, en défendant El Chapo, je m'en prends au gouvernement», confie-t-il. Jusqu'à présent, les proches du narcotrafiquant ne l'ont pas désavoué publiquement.

PHOTO OMAR TORRES, AFP

Me José Luis Gonzalez Meza exhibe devant la presse les chaussons qu'il avait apportés pour Joaquin Guzman mais que les autorités pénitentiaires lui ont refusés.