L'opposition au gouvernement vénézuélien, majoritaire à l'Assemblée nationale, devait présenter lundi une proposition de loi d'amnistie pour les 75 prisonniers politiques qu'elle recense, parmi lesquels l'opposant radical Leopoldo Lopez, risquant de crisper davantage le gouvernement chaviste qui a promis de s'y opposer.

«En route pour l'amnistie de tous les prisonniers politiques. Qu'aucun innocent ne soit oublié», a écrit lundi sur Twitter Lilian Tintori, épouse du dirigeant de l'aile radicale de la MUD Leopoldo Lopez, actuellement emprisonné.

Accompagnée par un groupe de députés de la coalition de l'opposition, réunie sous le nom de Table de l'unité démocratique (MUD), d'avocats et de familles de prisonniers politiques, Lilian Tintori devait se rendre lundi à l'Assemblée pour y déposer le texte.

Baptisée «Loi d'amnistie et de réconciliation», cette proposition de loi vise à amnistier les 75 prisonniers politiques que l'opposition recense et près de 4.700 «persécutés politiques» (poursuivis par la justice, ndlr) ou exilés à cause de leur opposition au chavisme -du nom du président défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013-, selon la MUD.

L'opposition au gouvernement chaviste, devenue largement majoritaire au parlement unicaméral du Venezuela pour la première fois en plus de 16 ans, n'a pas précisé combien de temps prendrait l'adoption du texte. Mais les députés chavistes pourront «faire les objections prévues par le règlement», a assuré à l'AFP Jesus Torrealba, le secrétaire général de la MUD.

Forte de 112 sièges sur 167, la MUD revendique la majorité des deux tiers qui lui permet de convoquer un référendum, mettre en place une assemblée constituante, voire chasser le président Nicolas Maduro via une réduction de la durée de son mandat. Elle se donne «six mois» pour le faire partir par la voie constitutionnelle.

Peu après la victoire de la MUD aux élections législatives du 6 décembre, le président Maduro a prévenu qu'il s'opposerait à l'adoption d'une telle loi.

Mais selon le juriste José Ignacio Hernandez, interrogé par l'AFP, Maduro ne peut pas bloquer l'amnistie et pourra uniquement faire des observations avant de la promulguer à moins de «violer la Constitution».

Le leader de l'aile radicale de l'opposition, Leopoldo Lopez, a été condamné en septembre à près de 14 ans de prison pour incitation à la violence lors des manifestations de 2014, qui avaient fait 43 morts officiellement.

Toutes les décisions du parlement seront désormais «nulles»

Le Tribunal suprême de justice (TSJ) du Venezuela a annoncé lundi que toutes les décisions du parlement, désormais contrôlé par l'opposition, seraient invalides car trois députés anti-chavistes avaient été investis malgré leur suspension par le TSJ.

Le TSJ considèrera comme «nulles» les actes de l'Assemblée nationale passés et à venir, tant que les trois députés de l'opposition en question demeureront investis, selon la décision.

Deux jours après son arrivée au manettes de la nouvelle Assemblée le 5 janvier, l'opposition vénézuélienne avait défié le pouvoir chaviste (du nom du président défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013) en investissant les trois députés anti-chavistes suspendus par la justice, revendiquant ainsi la majorité des deux tiers qui lui confère de larges pouvoirs.

Le nombre de députés est déterminant pour l'opposition. Avec 112 députés et non plus 109, elle passe de la majorité des trois cinquièmes à celle des deux-tiers, avec laquelle elle a le pouvoir de convoquer un référendum, mettre en place une assemblée constituante, voire entraîner, via une réduction de la durée de son mandat, le départ anticipé du président.

Le TSJ, la plus haute autorité judiciaire du pays, sera donc un acteur clé de la bataille institutionnelle qui s'est ouverte entre le parlement d'opposition et le pouvoir chaviste en place.

Or, l'opposition estime que le TSJ est acquis au chavisme, qui y a nommé 34 nouveaux juges (13 titulaires et 21 suppléants) fin décembre, et a mis en place lundi une commission pour enquêter sur cette affaire.

L'opposition s'est donné «six mois» pour faire partir le président Nicolas Maduro de manière constitutionnelle.