Les élections législatives et présidentielle prévues dimanche en Haïti ont été reportées à une date ultérieure par le Conseil électoral provisoire (CEP), qui a annoncé la nouvelle dans un communiqué de presse publié lundi soir.

Aucune nouvelle date n'a été fixée pour la tenue de ces scrutins.

Ce report intervient alors que l'opposition dénonce depuis plusieurs semaines des fraudes massives au premier tour au profit du candidat à la présidence Jovenel Moïse, représentant du parti du pouvoir. Son adversaire Jude Célestin a refusé de faire campagne avant la création d'une commission indépendante pour enquêter sur ces accusations.

En réponse aux revendications de l'opposition, le président Michel Martelly avait décrété jeudi la création d'une «commission d'évaluation électorale».

«Aucune nouvelle date n'est encore retenue officiellement», a indiqué à l'AFP Roudy Stanley Penn, le porte-parole du CEP suite à l'annonce du report des scrutins. «Nous sommes dans l'attente du travail de la commission d'évaluation électorale pour être en harmonie avec ses recommandations» a-t-il précisé.

Grégory Mayard-Paul, avocat et trésorier du parti présidentiel PHTK (Parti Haïtien Tet Kale) a expliqué qu'il ne pouvait «que respecter toute décision prise par le CEP, seule institution légale chargée d'organiser les élections et autorisée à changer les dates».

Pour Jude Célestin, adversaire de Jovenel Moïse, ce report est «un pas dans la bonne direction». Il a indiqué dans un message envoyé lundi soir à l'AFP attendre désormais «la création d'une vraie commission d'évaluation comme réclamée par la population et toutes les organisations de la société civile, avec bien sûr l'implication d'institutions crédibles pour que la vérité luise».

La commission créée jeudi par décret présidentiel ne satisfait en effet pas les exigences de l'opposition. Ce groupe de travail est par ailleurs affaibli car l'un de ses cinq membres questionne encore le degré d'indépendance de ladite commission.

«Farce ridicule»

Le délai imparti pour la tenue des scrutins législatifs et présidentiel est très limité: selon la Constitution, la rentrée parlementaire est prévue le 11 janvier et la passation de pouvoir entre Michel Martelly et son successeur doit se tenir le 7 février.

Lors du premier tour du scrutin présidentiel du 25 octobre, Jovenel Moïse avait recueilli 32,76%, contre 25,29% à Jude Célestin, mais ces chiffres sont contestés.

Jude Célestin avait ainsi qualifié de «farce ridicule» les résultats préliminaires du scrutin, publiés le 5 novembre, et l'opposition a dénoncé l'ingérence de la communauté internationale. Celle-ci a fourni une aide de plus de 30 millions de dollars pour l'organisation de ces élections.

De nombreuses manifestations d'opposition se sont déroulées, régulièrement émaillées d'incidents, depuis l'annonce des résultats du premier tour.

Après des années de crise politique empêchant la tenue de tout scrutin, Haïti s'est lancé en 2015 dans un marathon électoral avec l'organisation, sur trois journées de vote, des élections municipales, législatives et présidentielles.

Le premier tour du scrutin législatif, le 9 août, avait été ponctué de violences et de fraudes, obligeant le CEP à annuler le vote dans près d'un quart des circonscriptions du pays.

La deuxième journée de vote, rassemblant le second tour des législatives, le premier tour de la présidentielle et l'unique tour des municipales, s'est déroulée le 25 octobre, sans incident majeur.

Depuis la fin de la dictature des Duvalier en 1986, Haïti connaît une crise démocratique émaillée de coups d'État et d'élections contestées qui fragilisent le développement économique du pays encore marqué par le terrible séisme de janvier 2010, qui avait fait plus de 200.000 morts.