Certains sont accusés de corruption ou de délits électoraux, d'autres d'association de malfaiteurs: ainsi sont les parlementaires qui devront se prononcer prochainement sur la demande de procédure de destitution de la présidente du Brésil, Dilma Rousseff.

La première femme à diriger le plus grand pays d'Amérique latine pourrait être destituée un an après le début de son deuxième mandat, accusée d'avoir maquiller les comptes publics.

Si le calendrier de cette procédure demeure inconnu (il dépendra de l'annulation ou non des vacances parlementaires, du 22 décembre au 1er février), la plupart des hommes politiques directement responsables du sort de Mme Rousseff auraient les mains sales.

Un tiers des 65 députés du Congrès élus dans des circonstances polémiques, mardi, pour composer la commission spéciale qui analysera la demande d'« impeachment », font l'objet d'enquêtes criminelles ou de procès, selon le site spécialisé Congresso em Foco.

L'architecte de la destitution de Mme Rousseff, le président ultra-conservateur de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, est accusé d'avoir reçu 40 millions de dollars en pots-de-vin, dans le cadre du scandale de corruption au sein du géant public pétrolier, Petrobras.

Il est accusé d'avoir placé son butin sur des comptes secrets en Suisse.

Des dizaines d'autres sénateurs et députés sont également accusés de fraudes dans l'affaire Petrobras.

L'idée de trouver un successeur à Mme Rousseff qui ferait le ménage dans la politique brésilienne semble de moins en moins probable, selon les experts.

« Il n'y a pas de sauveur de la patrie tout blanc chevauchant à l'horizon », affirme à l'AFP l'analyste politique David Fleischer.

« Spectacle déprimant » 

L'élection de mardi de la commission spéciale symbolise le climat de foire d'empoigne et de légalité douteuse qui règne à Brasilia.

Des députés favorables à Mme Rousseff et ceux de l'opposition se sont affrontés pendant le vote et des urnes électroniques ont été cassées.

La Cour suprême est intervenue quelques heures plus tard, pour suspendre la commission pour une semaine, estimant qu'il y avait eu des irrégularités.

Le journal O Estado de Sao Paulo a qualifié les scènes de « spectacle scandaleux et déprimant ».

« L'Assemblée est devenue un véritable cirque. Nous vivons une situation dégradante et humiliante », a souligné Julio Delgado, député du Parti socialiste brésilien.

Jeudi, un autre groupe de députés en sont venus aux mains. Cette fois, il s'agissait des  membres du conseil d'éthique du parlement, qui a maintes fois essayé d'ouvrir une enquête contre le puissant Cunha, en vain.

David Fleischer estime qu'environ 20 % des 513 députés brésiliens font l'objet d'enquêtes criminelles, la plupart liés à Petrobras. Parmi eux figurent, le leader du Parti des Travailleurs au pouvoir, le sénateur Delcidio do Amaral et même un ancien président, aujourd'hui sénateur, Fernando Collor de Mello qui a démissionné de la présidence en 1992, juste avant d'être destitué par le Sénat pour corruption.

Selon l'analyste, les combats à l'Assemblée sont consternants: « on n'attend pas cela d'un conseil d'éthique ».

Rousseff, bouc émissaire? 

David Fleischer estime que les Brésiliens sont bien conscients de « la corruption généralisée » mais que face à la récession et au chômage en hausse, c'est Mme Rousseff qui paye les pots cassés.

« Ils se vengent sur Rousseff parce qu'ils traversent une crise terrible », souligne-t-il.

De son côté, Gabriel Petrus, consultant politique, affirme que la procédure de destitution a été approuvée de manière délibérée pour détourner l'attention.

« Ils détournent l'attention loin de leurs scandales politiques vers un seul personnage, Mme Rousseff, contre qui il n'y a aucune preuve concrète de corruption », assure M. Petrus. Et d'ajouter: « c'est scandaleux pour notre démocratie ».

En déclarant son innocence, Mme Rousseff a fait des allusions à M. Cunha, en disant sans le nommer: « je n'ai pas de comptes à l'étranger ».

Cependant, des analystes jugent qu'elle est éclaboussée par le scandale Petrobras, car des membres de son parti sont impliqués.

Si Mme Rousseff était destituée, son vice-président, Michel Temer, prendrait automatiquement le relais. « Pour le moment il n'y a pas de graves accusations contre lui », commente M. Fleischer.