La procédure de destitution contre la présidente brésilienne de gauche Dilma Rousseff est entrée lundi dans le vif du sujet au Congrès des députés où elle aura pour arbitre le parti centriste divisé du vice-président Michel Temer, dont l'attitude est ambiguë.

Les chefs des partis représentés à la chambre basse ont commencé à désigner les membres de la Commission spéciale de 65 députés chargée d'adopter un rapport préconisant ou non la destitution pour le soumettre ensuite à l'assemblée plénière.

Cette Commission devait à l'origine être installée en session plénière lundi soir.

Mais le président du Congrès des députés, Eduardo Cunha, l'ennemi juré de la présidente qui a donné le coup d'envoi de la procédure de destitution mardi dernier, a décidé de reporter la session à mardi, notamment en raison de dissensions au sein du grand Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre) sur le choix de ses huit députés qui siègeront à la Commission spéciale.

Par cette manoeuvre, M. Cunha tente surtout de faire reporter une nouvelle fois une réunion de la Commission d'éthique de la chambre basse, convoquée également mardi, qui doit se prononcer sur l'examen de la révocation de ses fonctions en raison de son implication dans le scandale de corruption Petrobras.

L'arbitre centriste divisé 

Une fois la Commission spéciale mise en place, la présidente, accusée d'avoir sciemment maquillé les comptes publics de l'État en 2014 et 2015, disposera d'un délai de dix sessions parlementaires pour présenter sa défense.

La Commission devra ensuite boucler son rapport en cinq séances et le soumettre à l'assemblée plénière des députés où un vote des deux tiers sera requis pour l'éventuelle mise en accusation de Mme Rousseff devant le Sénat. Dans le cas contraire, le processus avorterait.

Mme Rousseff a dénoncé la semaine dernière une «procédure sans fondement», un «coup d'État» institutionnel ourdi par une opposition revancharde n'ayant pas digéré sa défaite électorale en 2014.

Les partis de l'opposition de droite se prononcent tous pour la destitution et ceux d'extrême-gauche soutiennent, aux côtés du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir, le maintien de Mme Rousseff.

Tous les regards sont donc tournés vers le PMDB. Pierre angulaire de la coalition au pouvoir, ce parti est divisée en courants pro et anti-Rousseff.

Le PMDB est dirigé par le vice-président Michel Temer, qui assumerait le pouvoir jusqu'aux élections de 2018 en cas de destitution de Mme Rousseff.

Or depuis le lancement de la procédure, Michel Temer s'est muré dans le silence, s'abstenant de toute déclaration publique en faveur de la présidente, malgré les appels du pied de Mme Rousseff.

Vice-président loyal? 

Il a au contraire multiplié les contacts avec des représentants de l'opposition. Et la démission du gouvernement pour «raisons personnelles» de son plus proche lieutenant, le ministre de l'Aviation civile, Eliseu Padilla, a attisé la suspicion du camp présidentiel sur la loyauté du vice-président.

«Je n'ai pas de raison de ne pas avoir confiance en lui. Il a toujours été extrêmement correct avec moi», s'est défendue Mme Rousseff, au sortir d'une réunion avec un groupe d'une trentaine de juristes opposés à sa destitution.

La présidente compte sur le soutien du chef du groupe parlementaire PMDB, Leonardo Picciani, qui s'est engagé à désigner des députés «au profil modéré» pour siéger à la Commission spéciale. Mais l'aile hostile à la présidente semblait contester sa liste lundi soir, se jugeant insuffisamment représentée.

M. Picciani avait estimé la semaine dernière que les députés de son groupe était divisés entre 60% contre l'impeachment, 20% pour et 20% d'indécis.

Camp présidentiel et opposition s'opposent aussi sur le calendrier, avec des arrières pensées diamétralement opposées.

L'opposition souhaite faire traîner la procédure, en comptant sur l'aggravation de la crise économique et des manifestations anti-Rousseff pour fragiliser un peu plus la présidente et rallier les députés indécis.

Le camp présidentiel estime qu'il dispose encore d'une majorité suffisante pour faire avorter la procédure. Pressé, il veut éviter le pourrissement et réclame l'annulation des vacances parlementaires prévues du 22 décembre au 1er février.

«Dans cette situation de crise politique et économique, il ne serait pas correct de paralyser le pays jusqu'au 2 février», a déclaré Mme Rousseff.