Le maire conservateur de Buenos Aires Mauricio Macri a signé un score inespéré au premier tour de la présidentielle en Argentine, marquée par la dégringolade de la coalition, au pouvoir depuis 2003, dans un pays à l'économie au ralenti.

Avec respectivement 36,86% et 34,33% des voix, Daniel Scioli, qui avait été donné largement favori, et Mauricio Macri vont partir à la chasse aux votes et convoitent notamment les voix du candidat arrivé en troisième position, Sergio Massa (21,34%).

Habitué au succès dès le premier tour lors des trois précédentes élections présidentielles, le Front pour la victoire (FPV, gauche) était sonné dimanche soir. «C'est le coup le plus dur reçu par le pouvoir Kirchner depuis 12 ans et le grand gagnant est celui qui est arrivé deuxième», relève le politologue Rosendo Fraga.

«Macri savoure et celui qui est inquiet, c'est Scioli», souligne-t-il. «Nous allons avoir une campagne électorale très intense. Le résultat du premier tour change» la physionomie de l'élection et Sergio Massa, dissident kirchnériste, «sera clairement l'arbitre du second tour, car les deux candidats vont chercher à séduire son électorat».

Profitant de l'usure du pouvoir, du vote utile d'électeurs voulant faire barrage au péronisme, la coalition Cambiemos (Changeons) de Mauricio Macri a amélioré de cinq points son score des primaires d'août, Scioli perdant deux points.

Dans un contexte économique compliqué pour l'Argentine, entre croissance au ralenti et inflation à deux chiffres, Macri, promoteur d'une politique libérale, critique le protectionnisme et la culture des allocations et subventions de Kirchner, alors que Scioli revendique l'héritage social de Mme Kirchner.

Créé en 2007 pour briguer la mairie de Buenos Aires, le parti fondé par Mauricio Macri, le PRO (Proposition républicaine) a pris dimanche une dimension nationale, alors que son influence était jusque-là limitée à une poignée de provinces, profitant notamment de son alliance polémique avec l'UCR, le parti de centre gauche de l'ancien président Raul Alfonsin (1983-1989).

Débat TV 

Pour Gabriel Puricelli, sociologue du Laboratoire des politiques publiques, «Scioli est depuis le début un candidat problématique, Cristina (Kirchner) n'en voulait pas. Il a dû se battre contre Macri, mais aussi contre Cristina».

Mme Kirchner lui préférait son ministre des Transports Florencio Randazzo, qui s'est retiré de la course, voyant qu'il n'avait aucune chance contre le gouverneur de la province de Buenos Aires Daniel Scioli.

Une défaite de Scioli ferait les affaires de Mme Kirchner, relève Gabriel Puricelli. «Si Scioli gagne, elle ne pourra plus conserver la direction du péronisme», mouvement fondé par l'ex-président Juan Peron (1946-1955 et 1973-1974) alors que «si Scioli perd devant Macri, ce ne serait pas le pire scenario pour la présidente, alors chef de l'opposition avec la présidentielle 2019 en ligne de mire».

La présidente achève en décembre son deuxième mandat et ne pouvait pas postuler à un troisième consécutif. Mais en 2019, elle sera de nouveau éligible.

Le résultat décevant du FPV au premier tour, «c'est surtout un coup dur pour Scioli. S'il perd le second tour, on l'oubliera en cinq minutes, car le Sciolisme sans gouvernement derrière, n'existe pas», fait remarquer Gabriel Puricelli.

Pour se relancer, Scioli a annoncé qu'il était disposé à «participer à un débat» télévisé avec son adversaire, alors qu'il avait refusé cela avant le premier tour.

Si sa coalition, le FPV, perd de son influence au niveau national, la famille Kirchner continue d'exercer la sienne dans son fief de la province de Santa Cruz : le fils de Nestor et Cristina, Maximo Kirchner, s'est assuré dimanche un poste de député fédéral et sa tante Alicia Kirchner a été élue gouverneur de cette province de Patagonie.

«L'effet surprise va donner un grand élan à Macri, désormais favori, estime le sociologue. Avec la victoire de (la candidate de son parti) Maria Eugenia Vidal dans la province de Buenos Aires, il y aura un effet énergisant pour Macri».

Le politologue Ricardo Rouvier met toutefois en garde contre toute tentative d'enterrement hâtif. «Il ne faut pas minimiser l'importance du péronisme en marche vers une élection».