La présidente brésilienne Dilma Rousseff a gagné mardi un répit dans la bataille autour de l'éventuel lancement d'une procédure de destitution à son encontre, qu'elle assimile à une manoeuvre de l'opposition pour se livrer à un «coup d'État».

«L'opposition cherche sans cesse à raccourcir sa route vers le pouvoir, à effectuer un saut et à arriver au pouvoir par un coup d'État», a déclaré Mme Rousseff, dont le deuxième mandat présidentiel est marqué par une grave crise politique.

«Il s'agit d'élaborer de manière artificielle un impeachment à un gouvernement élu au suffrage direct», a poursuivi la chef de l'État.

Après une matinée de tensions et rumeurs, le président du Congrès des députés, Eduardo Cunha, a repoussé sa décision sur le probable déclenchement d'une procédure d'«impeachment» contre la présidente de gauche. Les états-majors politiques s'attendaient à ce qu'il tranche dès mardi.

M. Cunha «va attendre jusqu'à la semaine prochaine pour prendre sa décision», a déclaré à l'AFP un porte-parole de la chambre basse, sans préciser le motif de ce report.

La demande de destitution est appuyée par l'opposition qui accuse la présidente et son gouvernement d'avoir sciemment maquillé les comptes publics en pleine année électorale en 2014.

Parallèlement, trois juges du Tribunal suprême fédéral (STF) ont suspendu provisoirement, dans des décisions individuelles, la méthodologie fixée par M. Cunha, pour éviter selon l'un d'eux une «possible grave atteinte à l'ordre constitutionnel», répondant à des demandes de députés de la majorité.

Ces décisions devraient en théorie geler le déclenchement de toute procédure de destitution, jusqu'à ce que le STF se prononce sur le fond en session plénière, d'ici à plusieurs semaines.

Mais M. Cunha a estimé que les décisions provisoires des juges de la haute juridiction ne remettaient pas en cause sa prérogative de filtrage des demandes de destitution de Mme Rousseff actuellement sur son bureau, laissant entendre qu'il pourrait sévir sans attendre le jugement de fond de la cour suprême.

«Le coup d'État que les mécontents veulent commettre est un coup contre le peuple. Mais ils peuvent être sûrs qu'ils n'y arriveront pas», a prévenu mardi soir Mme Rousseff, qui avait déjà parlé de coup d'État, mais jamais avec une telle véhémence.

«Pas de fondement juridique» 

Membre du Parti démocratique brésilien (PMDB, centre droit), le principal parti allié parlementaire du gouvernement, M. Cunha est devenu l'adversaire juré de la présidente surtout depuis que la justice l'a accusé d'avoir reçu cinq millions de dollars de pots-de-vin dans le cadre du scandale de corruption Petrobras.

Il se dit victime d'une orchestration de la justice par la présidence. Mais les révélations récentes et étayées de la justice sur ses comptes bancaires non déclarés en Suisse ont renforcé les soupçons à son encontre.

Le camp présidentiel l'accuse ouvertement de vouloir déclencher la bombe à retardement qui pourrait faire tomber Dilma Rousseff, 67 ans, avant sa propre chute.

Au plus bas dans les sondages (10%), la présidente pâtit de la récession économique de la 7e économie mondiale, du scandale Petrobras et de l'incapacité du gouvernement à coordonner une coalition.

«L'impeachment ne se justifie que s'il a un fondement juridique, et il n'y a pas de fondement juridique», a commenté mardi le porte-parole de Mme Rousseff, Edinho Silva.

Si une procédure de destitution était finalement soumise aux députés, elle devrait être évaluée par une commission et obtenir ensuite le soutien de deux tiers des élus.

La présidente serait alors écartée du pouvoir pendant un maximum de 180 jours et il reviendrait au Sénat de la juger sous le contrôle du président de la Cour suprême.

«Si on installe la commission d'impeachment, ce sera le début de la fin de Dilma (Rousseff). C'est pourquoi ils (le gouvernement) travaillent dur pour essayer de capter des députés en répartissant des postes pour gagner des appuis au moment du vote» de la destitution, a déclaré à l'AFP l'analyste politique David Fleisher, proche de l'opposition.

La Bourse de Sao Paulo a très mal réagi à la crise politique en cours, chutant mardi de 4% à la clôture tandis que le dollar enregistrait sa plus forte hausse en une séance en 4 ans, gagnant 3,58% à 3,89 dollars pour un réal.