Le pape François a fait l'éloge du courage des Cubains face aux difficultés quotidiennes, et a mis son prochain voyage dans l'île sous la protection de la Vierge de la charité, patronne de Cuba, dans un message diffusé avant son voyage par la télévision cubaine.

«Cela me fait beaucoup de bien et cela m'aide beaucoup de penser à votre fidélité envers le Seigneur, au courage avec lequel vous affrontez les difficultés de chaque jour et de l'amour avec lequel vous vous aidez et vous soutenez sur le chemin de la vie», a ajouté le pape jeudi.

«Chers frères, il reste peu de jours avant mon voyage à Cuba», a-t-il dit, et «pour cette raison, je souhaite vous envoyer un salut fraternel avant de vous rencontrer».

Le pape sera de samedi à mardi dans l'île communiste, de La Havane à Holguin et à Santiago, où son rôle de facilitateur dans le dégel entre le régime castriste et l'administration américaine est apprécié.

Trois visites de papes en 17 ans montrent l'attention exceptionnelle du Vatican envers ce pays, où le régime et l'Église se félicitent de l'appui du pape à la normalisation.

La dissidence n'attend «pas de miracle»

Les dissidents cubains espèrent que le pape François interviendra sur le thème des droits de l'homme, mais ils nourrissent peu d'illusions sur sa capacité à améliorer la situation.

«Le pape François souhaite que sa visite ait un grand impact, mais il ne pourra pas faire de miracle, parce que (le changement) ne dépend que de la volonté politique du gouvernement cubain, qui n'en a aucune», assure à l'AFP Elizardo Sanchez, président de la Commission cubaine des droits de l'homme (CCDH), organisation interdite, mais tolérée par les autorités.

José Daniel Ferrer, autre opposant très en vue dans l'est du pays, ne s'attend pas non plus à de grandes répercussions, mais il «garde espoir sur le fait que le pape puisse demander plus de démocratie et de respect des droits de l'homme, même si c'est en privé».

Lors de sa visite de quatre jours dans l'île, le souverain pontife se rendra successivement à La Havane, Holguin (nord-est) et Santiago de Cuba (sud-est) et doit prononcer pas moins de huit discours.

Il doit également s'entretenir avec le président Raúl Castro, mais aucune rencontre avec la dissidence n'a été programmée dans ce pays dépourvu d'opposition légale.

En 1998, lors d'une visite historique qui avait scellé la réconciliation après des années de brouille entre La Havane et le Vatican, le pape Jean Paul II avait appelé au respect des droits de la personne, citant notamment la liberté d'association et d'expression.

Quatorze ans plus tard, Benoît XVI avait, lui, jugé l'idéologie marxiste dépassée et appelé à «trouver de nouveaux modèles».

Silence de l'Église sur la répression

Berta Soler, leader des Dames en Blanc, groupe lauréat du prix Sakharov du Parlement européen en 2005, redoute que la question des droits de l'homme à Cuba soit éclipsée par le rôle joué par le pape dans le récent dégel entre Washington et La Havane.

Après Cuba, le pape argentin doit d'ailleurs se rendre dans la foulée aux États-Unis.

«On parle beaucoup du rapprochement (avec les États-Unis), mais on n'entend pas parler de répression, de justice, de liberté», regrette la dissidente.

Mme Soler a déposé une demande d'entretien avec le souverain pontife via la nonciature, car elle se dit frustrée de constater que «ni la hiérarchie de l'Église catholique ni l'Église locale ne se prononcent sur la répression» politique à Cuba.

Dans un geste de bonne volonté avant cette visite, les autorités cubaines ont élargi la semaine dernière plus de 3500 prisonniers, une mesure qui dépasse dans son ampleur les libérations qui avaient marqué les déplacements de Benoît XVI et Jean Paul II.

C'est un «geste très limité», tempère toutefois Elizardo Sanchez, assurant qu'«aucun prisonnier politique n'a été libéré» lors de cette vague d'amnisties.

La CCDH dénombre aujourd'hui 60 détenus pour des raisons politiques à Cuba, un chiffre contesté par les autorités qui n'en recensent aucun depuis la libération de 53 prisonniers sur demande de Washington en janvier dernier.

La blogueuse dissidente Yoani Sanchez ne se fait pas non plus beaucoup d'illusions sur la portée de cette visite.

Dans un billet publié cette semaine sur son portail d'informations 14yMedio, elle disait même craindre «une répétition du schéma répressif de la visite de Benoît XVI», lorsque 150 opposants avaient affirmé avoir été arrêtés de manière préventive.

L'organisation Amnistie internationale, interdite de séjour dans l'île depuis 1988, a reconnu jeudi dans un communiqué «des avancées importantes» à Cuba telles que les «libérations de prisonniers de conscience» et la réforme de 2013 assouplissant les conditions de voyage des Cubains.

Toutefois, affirme Amnistie, «le pays doit encore faire des progrès en permettant aux gens d'exprimer pacifiquement leurs opinions sans craindre d'être harcelés, détenus ou agressés».

-Avec Rigoberto Diaz