Une zone montagneuse à la végétation luxuriante, parsemée de hameaux où vivent des paysans pauvres: voici la forteresse naturelle de Joaquin «El Chapo» Guzman, dans sa région natale, où le fugitif est peut-être caché.

Depuis sa deuxième évasion, il y a une semaine, d'une prison à haute sécurité, sa légende s'est encore accrue dans l'État de Sinaloa (nord-ouest), où il est vénéré tel un Robin des bois en dépit des nombreux assassinats commis par son cartel.

Les autorités américaines pensent que Guzman se cache ici, dans ce lieu difficile d'accès, où il bénéficie du soutien de la population, indique à l'AFP un agent américain de sécurité.

À Badiraguato, la ville administrant le village qui l'a vu naître, ainsi que celui de plusieurs autres narcotrafiquants redoutés, les habitants espèrent qu'«El Chapo» va redynamiser l'économie locale.

Avant son arrestation en février 2014, le leader du cartel de Sinaloa donnait du travail aux paysans, envoyait de la nourriture dans les maisons de retraite et offrait des jouets aux enfants à Noël.

«Les gens se réjouissent (de son évasion) parce qu'il aide beaucoup de gens», explique Gerardo Avila devant sa petite boutique de vêtements du centre-ville, écrasé par la chaleur, de Badiraguato.

«Il donne de l'argent et des emplois. Il aide davantage que les présidents», assure un jeune homme de 22 ans. Quel genre de travail? «Couper des arbres dans la montagne», explique-t-il.



PHOTO ROBERTO ARMENTA, REUTERS

Un homme passe devant le restaurant Chapo, connu à Badiraguato pour son poulet grillé et sa référence explicite au baron de la drogue, le 17 juillet. Le caïd du cartel de Sinaloa est, règle générale, vénéré dans ce coin de pays qui l'a vu naître.  

«Un mal nécessaire»

Erica, une Mexicaine de 40 ans qui vend des caramels devant l'église de cette commune, pense aussi que Guzman a fait du bien à la communauté.

Grâce à lui, «les gens travaillent, il y a de l'activité, mais là-haut» dit-elle, en indiquant les montagnes.

Le travail que propose Guzman sur les collines n'a rien à voir, de toute évidence, avec la taille des arbres, mais plutôt avec la culture de la marijuana et du pavot.

«C'est un mal nécessaire», pense Enrique Amarillas, responsable d'une association locale, se plaignant que le gouvernement n'a pas su créer «les conditions nécessaires pour lutter contre la pauvreté» dans cette région.

Selon le maire, Mario Valenzuela, plus de la moitié des paysans de la ville se consacrent à la culture de la drogue.

«À Badiraguato, on cultive malheureusement toujours du pavot, ainsi que de la marijuana, mais ce n'est pas la seule activité», assure-t-il à l'AFP. Quant au commerce, il revient à des gens comme «El Chapo», dit-il.

Dans cette ville qui est la deuxième plus pauvre de l'État de Sinaloa, 20 % des 32 600 habitants vivent dans une extrême pauvreté, selon les statistiques officielles.

Le manque d'eau est courant dans ces hameaux disséminés dans la forêt dense, dont l'accès n'est possible qu'en véhicules tout-terrains.

«Ici il n'y a pas de criminels»

Un de ces villages est La Tuna, où Guzman a vu le jour en 1957 et où vit toujours sa mère de 86 ans dans une grande maison construite par son fils.

«Elle s'occupe à temps plein de sa maison et prie. Les gens la croisent et la respectent, non pas parce qu'elle la mère d'"El Chapo", mais parce qu'elle est une personne digne de respect», indique le maire.

«Ici il n'y a pas de criminels. Simplement du travail. Ici il n'y a pas de richesse», assure Martin Medina, 44 ans, au milieu des caquètements de poules, assis sous un porche, à côté de quatre autres paysans.

Un responsable américain de la sécurité pense que Guzman est caché dans ce «Triangle doré» de la drogue, entre les États de Sinaloa, Durango et Chihuaha.

Le maire de Badiraguato assure qu'il y a davantage de policiers dans la ville depuis l'évasion du narcotrafiquant, mais aucun déploiement de forces de l'ordre n'a été constaté par l'AFP, ni de barrage sur les routes alentours.

Et si la majorité de la population l'admire dans son fief, ce n'est pas le cas de tout le monde.

«Quand je serai grand, je ne veux pas être comme lui. Je veux avoir un travail normal», dit un garçon de 12 ans qui vend des articles de cuisine sur la place de la désormais célèbre Badiraguato.

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Une vue générale de Badiraguato, le 17 juillet.