L'ancien dictateur du Panama, Manuel Noriega, incarcéré dans son pays pour des disparitions d'opposants sous son régime (1983-1989), a «demandé pardon» pour les actes commis par son gouvernement, renversé par une intervention des États-Unis en 1989.

«Je demande pardon à toute personne qui s'est sentie offensée, affectée, atteinte ou humiliée par mes actes ou ceux de mes supérieurs (...) ainsi que ceux de mes subordonnés durant l'exercice de mon gouvernement civil et militaire», a déclaré M. Noriega dans un texte lu mercredi à la chaîne de télévision Telemetro.

L'ex-dictateur de 81 ans purge trois condamnations à 20 ans de prison pour des disparitions d'opposants dans les années 1980 et la répression sanglante contre des militaires s'étant soulevés contre lui.

Noriega «a demandé pardon et je sens, en tant que chrétien, qu'il nous faut tous lui pardonner», a réagi le président du Panama, Juan Carlos Varela. «Le peuple panaméen a déjà dépassé cette étape de la dictature», a-t-il ajouté.

Pour l'archevêque du Panama, José Domingo Ulloa, ces excuses «font partie de tout un processus qu'en tant que peuple, nous devons accomplir, certes avec beaucoup de douleur, mais cela va nous aider à tous nous soigner», pour éviter «les erreurs du passé».

Ceux qui avaient combattu le régime de Noriega et les proches de ses victimes ont réagi de façon plus mitigée à cette annonce.

«Avant de demander pardon, il doit parler et dire tout ce qui s'est passé. Je sens qu'il vise d'autres intérêts, comme celui de sortir de prison pour être assigné à résidence», a estimé Maritza Maestre, coordinatrice du comité des proches de victimes et disparus sous la dictature.

Mêmes doutes de la part d'Aurelio Barrio, ancien militant contre le régime militaire : «Cette demande de pardon ne peut pas passer inaperçue, elle a de la valeur. Cependant, je crois que les Panaméens sont surpris et se demandent pourquoi il le fait maintenant et dans quel but».

«Il est temps de refermer les blessures, parce que trop sont encore ouvertes et d'autres apparaitront encore si nous ne savons pas nous comporter comme de véritables êtres humains et si nous demandons vengeance», a plaidé auprès de l'AFP le professeur de droit Miguel Antonio Bernal, fervent opposant à M. Noriega.

L'ex-homme fort panaméen et informateur de la CIA a vu toutes ses demandes de placement en résidence surveillée, comme solution de remplacement à la prison, rejetées.

Il est sous le coup de plusieurs autres procédures judiciaires, notamment pour des faits commis alors qu'il était à la tête de l'ex-Garde nationale et bras droit du dictateur Omar Torrijos, arrivé au pouvoir après un coup d'État militaire en 1968.

À l'issue d'une élection contestée en 1989, le président américain George Bush avait commandité une intervention militaire qui s'était soldée par la reddition de M. Noriega, alors réfugié depuis des jours dans la nonciature apostolique de la ville de Panama.

M. Noriega a passé plus de deux décennies derrière les barreaux aux États-Unis pour des accusations de trafic de drogue et deux ans supplémentaires en France pour blanchiment d'argent, avant d'être extradé vers le Panama.