Le président américain Barack Obama a reçu une recommandation de son administration sur le retrait de Cuba de la liste des États soutenant le terrorisme, à la veille de l'ouverture d'un Sommet des Amériques historique auquel Cuba participera pour la première fois.

Pierre d'achoppement majeure dans le processus de réchauffement en cours depuis quatre mois entre La Havane et Washington, la présence de Cuba sur cette liste depuis 1982 a fait l'objet d'une recommandation formelle de retrait par le Département d'État, a annoncé jeudi dans un communiqué Ben Cardin, démocrate le plus haut placé de la commission des Affaires étrangères du Sénat.

Ce premier pas d'un processus complexe qui devrait prendre plusieurs semaines «est une étape importante dans nos efforts pour forger une relation plus fructueuse avec Cuba», a annoncé le sénateur, alors que le Département d'État n'a pas révélé le contenu du document.

Avant de quitter la Jamaïque pour le Panama, où il est arrivé jeudi soir, Barack Obama avait indiqué que le Département d'État avait passé en revue la mention de Cuba sur cette liste, sans fournir plus de détails.

Figurer sur cette liste, qui comprend aussi le Soudan, la Syrie ou l'Iran, empêche notamment d'accéder au financement par des organismes internationaux.

«La présence de Cuba sur la liste est vue depuis Cuba comme une insulte infondée et un mensonge», raison pour laquelle une annonce en ce sens aurait «un effet positif sur les relations bilatérales en général», a expliqué à l'AFP l'analyste cubain Arturo Lopez-Levy, du Centre d'études globales de l'Université de New York.

«Si les circonstances changent, alors la liste doit changer», a expliqué M. Obama jeudi.

Cette annonce constitue un geste symbolique d'importance dans les négociations et ouvrira la voie à la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays, même si selon M. Obama cela «prendra du temps».

Point d'orgue de ce Sommet qui réunira pour la première fois les 35 pays du continent, la photo attendue immortalisant les présidents cubain et américain côte à côte fera le tour du monde, comme l'avait fait la fugace poignée de main échangée par Barack Obama et Raul Castro lors des funérailles de Nelson Mandela en 2013.

Raul Castro est arrivé jeudi soir au Panama peu après son homologue américain, pour la première participation de Cuba au Sommet des Amériques, forum institué en 1994 sous l'égide de l'Organisation des États américains (OEA) dont La Havane a été exclue de 1962 à 2009.

Le Venezuela en trouble-fête

M. Obama a annoncé qu'il viendrait à ce Sommet porteur d'une volonté de «dialogue», fort du réchauffement en cours avec La Havane et de la signature d'un accord-cadre sur le nucléaire iranien.

Mais il devra faire face à de nombreux pays latino-américains irrités par sa récente décision de signer un décret qualifiant le Venezuela, principal partenaire économique de Cuba, de «menace» pour la sécurité intérieure des États-Unis.

Le président vénézuélien Nicolas Maduro a annoncé jeudi soir qu'il avait prévu de remettre lors de ce Sommet plus de 13 millions de signatures à M. Obama en faveur de l'annulation de ce décret polémique confirmant des sanctions contre de hauts responsables du Venezuela.

Mais Washington, comme Caracas, ont eu à coeur de faire baisser la pression ces dernières heures, les États-Unis admettant que le Venezuela «n'est pas une menace» et M. Maduro se déclarant disposé au «dialogue».

Les observateurs doutent toutefois que ces accrochages nuisent au réchauffement cubano-américain. «Cuba ne doit pas perdre le cap. Le Sommet doit être l'occasion de favoriser un regard bienveillant sur les réformes et les ouvertures en cours sur l'île», a ajouté M. Lopez-Levy.

Pour M. Obama, la dépendance de la région caraïbe au pétrole du Venezuela, adepte de la «pétrodiplomatie», ne passe pas inaperçue et le président américain a plaidé, lors de son étape en Jamaïque, pour un renforcement de la coopération énergétique avec cette région.

Les tensions diplomatiques se sont également exprimées dans la rue, où partisans et opposants aux régimes castriste et vénézuélien ont échangé coups et invectives lors de petits rassemblements, manifestations et dans les forums parallèles au Sommet.

Entretiens historiques entre Kerry et son homologue cubain

Le secrétaire d'État américain John Kerry et le ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodriguez se sont entretenu jeudi soir au Panama avant le Sommet des Amériques, qui doit consacrer le rapprochement entre Washington et La Havane.

Le Département d'État a diffusé une photo de la poignée de main entre les deux hommes avant leur rencontre, la première entre responsables cubain et américain d'un tel niveau depuis 1958.

PHOTO AFP/DÉPARTEMENT D'ÉTAT DES ÉTATS-UNIS

Le ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodriguez et le secrétaire d'état américain John Kerry.