Le président du Venezuela Nicolas Maduro a annoncé mardi qu'il allait demander à l'Assemblée nationale l'octroi de pouvoirs spéciaux pour répondre à «l'agression impérialiste» des États-Unis, en riposte aux sanctions américaines à l'encontre de hauts responsables annoncées la veille.

«J'ai décidé de me rendre aujourd'hui (mardi) personnellement à l'Assemblée nationale pour remettre ma demande» de pouvoirs spéciaux «pour la paix et la souveraineté», a écrit le président sur son compte Twitter.

Dans un discours lundi soir, le président Maduro avait qualifié de «coup le plus agressif, injuste et néfaste jamais porté au Venezuela» l'annonce de ces sanctions, prises selon la présidence américaine en réaction à des violations des droits de l'homme au Venezuela.

«Vous n'avez pas le droit de nous agresser et de déclarer que le Venezuela est une menace pour le peuple des États-Unis, la menace pour le peuple américain, c'est vous», a-t-il déclaré à l'intention du président américain Barack Obama.

Celui-ci avait qualifié lundi la situation dans ce pays sud-américain de «menace extraordinaire et inhabituelle pour la sécurité nationale et la politique extérieure des États-Unis» et annoncé des gels d'avoir et interdictions de visas contre sept responsables vénézuéliens impliqués dans la violente répression des manifestations contre le gouvernement Maduro entre février et mai 2014.

M. Maduro a déjà bénéficié des pouvoirs spéciaux à partir de fin 2013 en matière économique, permettant au gouvernement de légiférer directement par décret. Cela n'a pas empêché le pays de s'enfoncer dans une crise économique aigüe.

Mais si, dans les faits, le régime chaviste peut facilement légiférer puisqu'il dispose de 60% des sièges au Parlement monocaméral, c'est une façon, pour un président en mal de popularité (seulement 20% d'opinions favorables), de réaffirmer son pouvoir, estiment des analystes.

«Blague de mauvais goût» 

«En recourant au thème de l'ennemi extérieur, c'est-à-dire de l'impérialisme, le gouvernement veut bâtir un mécanisme légal plus répressif», a expliqué à l'AFP le politologue Edgard Gutiérrez, de la société de sondages Venebarometro.

La loi «anti-impérialiste» sera «un instrument contre l'ennemi intérieur, et, comme les lois similaires de Maduro, destinée à saper les droits de l'homme», a renchéri sur Twitter Rocio San Miguel, de l'ONG Contrôle citoyen, spécialisée dans les questions militaires et de sécurité.

L'annonce des sanctions a déjà entraîné, lundi, le rappel immédiat du plus haut représentant diplomatique vénézuélien aux États-Unis, un épisode qui est survenu après des années de frictions, les deux pays n'ayant plus d'ambassadeurs respectifs depuis 2010.

Le Venezuela a obtenu le soutien de plusieurs de ses voisins en Amérique latine, en premier lieu de Cuba, dont le gouvernement a fustigé mardi le «décret arbitraire et agressif pris par le président des États-Unis».

Dans un courrier publié par la presse locale, l'ex-président cubain Fidel Castro a lui félicité Nicolas Maduro pour son «discours courageux et brillant face aux plans brutaux du gouvernement des États-Unis».

«Personne n'a le droit d'intervenir dans les affaires intérieures d'un État souverain ni de déclarer, sans aucun fondement, qu'il constitue une menace à sa sécurité nationale», s'est exclamé le gouvernement de Cuba, principal allié politique et économique du Venezuela depuis 15 ans.

Les présidents bolivien Evo Morales et équatorien Rafael Correa ont eux aussi apporté leur soutien à Caracas.

Il y a, «au fond, la menace, par Obama, d'envahir le Venezuela», a affirmé Evo Morales, selon l'agence de presse officielle ABI.

C'est pourquoi «nous condamnons, nous répudions, nous n'acceptons pas, au XXIe siècle, ce genre d'intervention des États-Unis», a-t-il ajouté, appelant à organiser des réunions d'urgence des organismes régionaux Celac et Unasur «face à l'agression» américaine.

Rafael Correa a pour sa part estimé qu'il s'agissait d'une «blague de mauvais goût» de la part de Washington, «qui nous rappelle les heures les plus sombres de notre Amérique, quand l'impérialisme nous imposait des invasions et des dictatures».

«Comprendront-ils que l'Amérique latine a déjà changé?», s'est-il demandé.