Après les pénuries alimentaires et l'inflation effrénée, la répression politique s'est accélérée la semaine dernière avec l'arrestation d'une figure de l'opposition, le maire de Caracas Antonio Ledezma. L'International Crisis Group craint maintenant que la république bolivarienne ne sombre dans une «catastrophe humaine».

Que dit l'International Crisis Group?

Aux crises économique et politique qui secouent le Venezuela pourrait s'ajouter une «crise humaine» si rien n'est fait pour aider le pays à se stabiliser, s'inquiète l'organisme indépendant de réflexion sur la prévention et la résolution des conflits.

De retour d'un séjour sur place, Javier Ciurlizza, directeur du programme Amérique latine et Caraïbes de l'International Crisis Group, a déclaré hier que des représentants d'organismes religieux et communautaires lui ont fait part de leur inquiétude. Il dit avoir constaté «les pénuries de médicaments et les longues files d'attente pour des biens de première nécessité».

L'arrestation, jeudi soir dernier, du maire de la zone métropolitaine de Caracas et opposant de longue date, Antonio Ledezma, accusé de fomenter un coup d'État pour renverser le président Nicolás Maduro, représente une nouvelle escalade dans la crise, estime M. Ciurlizza.

La détérioration de la situation depuis un an a entraîné une «dangereuse polarisation», poursuit-il. Il reproche à la fois au gouvernement et à l'opposition de ne pas dialoguer. «Les fondations solides d'une stabilité ne peuvent être bâties par un coup d'État [...] ou par la répression prolongée.»

Quelles sont les causes de la situation actuelle?

La chute des prix du pétrole fait très mal au Venezuela, qui est l'un des pays détenant les plus importantes réserves d'or noir du monde. «À peu près 95% des exportations vénézuéliennes sont composées de pétrole», rappelle Thomas Chiasson-LeBel, du centre de recherches sur l'Amérique latine et les Caraïbes de l'Université York, à Toronto.

«Dans un pays où une très, très grande partie de la nourriture est importée, l'accès aux devises est restreint dans un contexte où le prix du pétrole diminue, ajoute-t-il.

«Cela dit, les problèmes d'inflation avaient commencé bien avant [la chute des prix du pétrole], depuis à peu près un an, et le gouvernement n'a pas réussi à maîtriser la situation», estime-t-il. La fuite de capitaux qui a suivi a envenimé la situation.

M. Chiasson-LeBel estime lui aussi que l'opposition et le gouvernement ont échoué à établir un dialogue constructif pour réaliser des réformes afin de tenter de régler la crise.

Quelles sont les solutions?

«Le Venezuela a un urgent besoin d'aide pour bâtir un consensus politique», affirme l'International Crisis Group, qui reproche aux autres pays de détourner le regard. «Les organisations régionales, les diplomates et les politiciens hésitent à parler des malheurs du Venezuela, évoquant la «non-intervention» [dans ses affaires], le «respect de sa souveraineté» ou montrant du doigt de «bien pires» pays», écrit Javier Ciurlizza.

L'International Crisis Group appelle à un «dialogue réaliste» facilité et supervisé par la communauté internationale pour parer au plus urgent, soit des réformes économiques et l'organisation des élections législatives prévues cette année.

La crise ne se résorbera pas si le pays ne s'attaque pas à la question des droits de l'homme, précise l'organisme, qui appelle à la libération de «tous les prisonniers politiques», au «désarmement des groupes illégaux» et à la «restauration de l'indépendance de la justice».

EN CHIFRES

-4%

Performance de l'économie vénézuélienne en 2014

68,5%

Inflation annuelle calculée en décembre

97e

Rang du Venezuela à l'index démocratique pour 2013 de la revue The Economist