Cubains et Américains abordent jeudi la question fondamentale du rétablissement des relations diplomatiques au second jour de discussions organisées à La Havane dans la foulée de l'annonce mi-décembre du dégel entre les deux ennemis historiques.

Mercredi, les parties se sont quittées en désaccord sur plusieurs sujets liés aux migrations, mais ont salué la bonne tenue des débats et l'attitude constructive affichée de part et d'autre. Il s'agissait du premier contact à haut niveau entre les deux pays sur l'île depuis 35 ans.

Lors de ce deuxième jour, les délégations menées par la sous-secrétaire d'État pour l'hémisphère occidental, Roberta Jacobson, et la directrice des États-Unis au ministère cubain des Affaires étrangères, Josefina Vidal, auront pour lourde tâche d'étudier comment renouer les liens diplomatiques rompus en 1961.

Mais avant d'évoquer le retour d'ambassadeurs dans les deux pays, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a prévenu mardi soir à Washington que plusieurs questions devaient être négociées sur les restrictions touchant les «sections d'intérêt» établies dans les deux pays depuis 1977.

Parmi les sujets chers aux Américains figurent la levée des restrictions sur les voyages des diplomates à l'intérieur de Cuba et la fin de la limitation du nombre de personnels diplomatiques accrédités.

De même, M. Kerry a rappelé que Washington réclame «la levée des entraves sur les livraisons vers notre mission (diplomatique) afin que nous puissions la faire fonctionner correctement», ainsi qu'un libre accès à la Section d'intérêts de La Havane, a précisé M. Kerry, tout en mentionnant la réciproque pour Cuba à Washington.

Kerry à Cuba «au moment approprié»

À La Havane, la délégation cubaine a relevé mardi les difficultés financières rencontrées par la mission cubaine à Washington du fait des restrictions liées à l'embargo américain imposé depuis 1962 contre Cuba.

«La section consulaire aura «bientôt passé un an» sans avoir accès à des services bancaires, «ce qui occasionne de graves perturbations pour ses services», rappelait mardi soir le ministère des Affaires étrangères.

Entre février et mai 2014, cette section avait cessé d'émettre des passeports aux Cubains résidant aux États-Unis en raison de son incapacité à trouver une banque américaine prête à prendre en charge ses comptes.

Comme les diplomates américains à Cuba, les Cubains dépêchés à Washington sont par ailleurs soumis à de nombreuses restrictions et ont notamment besoin d'une autorisation de leurs hôtes américains pour quitter Washington.

C'est une négociation qui requiert «un consentement mutuel», a précisé M. Kerry. Se montrant optimiste, il a toutefois manifesté sa disposition à «se rendre à Cuba pour y ouvrir officiellement une ambassade», mais seulement «quand ce sera le bon moment, quand ce sera approprié».

Cuba et É.-U. «dans le même lit»

Mercredi, la première phase de ces discussions à huis clos, consacrée à la révision de la convention migratoire signée en 1994, n'a débouché sur aucun accord.

Les représentants cubains ont rappelé leur hostilité envers les avantages d'installation octroyés aux émigrés cubains par les États-Unis, tandis que les Américains affirmaient leur détermination à maintenir cette politique.

«Même si La Havane et Washington n'ont pas le même objectif à long terme, aujourd'hui ils sont dans le même lit, peu importe si leurs rêves sont différents», a estimé pour l'AFP Arturo Lopez Levy, professeur de relations internationales à l'Université de New York.

Mercredi soir, Mme Jacobson, première responsable américaine de ce niveau à fouler le sol cubain depuis l'administration Jimmy Carter, a participé à un «dîner de travail» avec des responsables du régime communiste pour poser les bases du dialogue de jeudi.

Jointe par l'AFP, une source américaine n'a pu préciser si une rencontre avec le président Raul Castro était prévue avant le départ de la responsable samedi.

À son programme, figure vendredi une rencontre avec des représentants de la société civile, dont des dissidents, affichant le souci de Washington de placer les droits de l'homme au coeur de cette prise de contact historique.

C'est «l'une des choses dont nous voulons parler, qui sont très importantes pour nous», a rappelé à l'AFP un responsable américain.

Une large majorité d'Américains salue le changement de politique envers Cuba annoncé mi-décembre, mais plusieurs élus républicains et une partie de la dissidence cubaine critiquent Washington pour n'avoir rien obtenu en échange sur l'ouverture politique et les droits civiques.

Le président américain Barack Obama s'est engagé à soumettre au Congrès la levée de l'embargo et a levé la semaine dernière une série de restrictions commerciales, financières et sur les voyages. De son côté, La Havane a libéré 53 prisonniers politiques figurant sur une liste remise par les États-Unis.