Le cessez-le-feu illimité de la guérilla des Farc en Colombie, geste sans précédent depuis le lancement du processus de paix il y a deux ans, a été salué jeudi par le gouvernement, qui continue toutefois d'exclure toute trêve militaire avant un accord final.

«C'est un bon début pour une désescalade des hostilités sur le territoire national qui peut aboutir, si nous arrivons à un accord de fin de conflit, à un cessez-le-feu bilatéral et définitif», a réagi la présidence, dans un communiqué.

Depuis La Havane, où ont démarré il y a deux ans des pourparlers, la délégation des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) a décrété une «interruption des hostilités pour une durée indéterminée».

Jusqu'alors, la rébellion marxiste, la plus ancienne d'Amérique latine qui compte encore 8000 combattants après un demi-siècle d'existence, n'avait observé que des cessez-le-feu temporaires à la période de Noël.

Elle a toutefois prévenu que sa trêve serait suspendue en «cas d'attaques de la part de la force publique» et prôné la mise en place d'observateurs internationaux.

Le gouvernement de Bogota souligne toutefois qu'il «n'accepte pas» cette dernière condition et qu'il évaluera lui-même «le respect» de la trêve promise par les Farc, rappelant que «la protection des citoyens» constitue son «devoir constitutionnel».

«Un bouquet plein d'épines»

«C'est un peu comme une fleur que nous avons reçue, mais quand on ouvre le cadeau, on trouve un bouquet plein d'épines», a résumé le président Juan Manuel Santos, à propos de la position de la guérilla.

Les réactions internationales à la trêve des Farc ont été très positives. L'Union européenne (UE) a estimé jeudi qu'elle allait contribuer à «construire la confiance entre les deux camps». La représentation de l'ONU en Colombie y a vu un «geste d'espérance», qui pourrait apporter «moins de souffrance» dans les régions secouées par le conflit.

Les négociations avec les Farc visent à résoudre le conflit le plus vieux d'Amérique latine, qui a fait 220 000 morts et 5,3 millions de déplacés en un demi-siècle, selon des chiffres officiels.

Cette décision de la rébellion de décréter une trêve sans attendre le même geste de la part des autorités est inédite, ont souligné les observateurs.

«Cette annonce constitue une décision politique fondamentale des Farc pour avancer vers la recherche d'une fin de la confrontation, avant même la signature définitive d'un accord», indique à l'AFP le politologue Jaime Zuluaga.

Dans les années 80, une précédente tentative de dialogue avait permis d'aboutir à un cessez-le-feu des Farc, imité par le gouvernement de Belisario Betancur à cette époque. Mais une vague d'assassinats contre des militants d'extrême gauche avait fait avorter l'expérience.

Directeur du Cerac, centre d'études colombien spécialisé dans le conflit, Jorge Restrepo souligne que la proposition des Farc revêt un «côté diabolique en obligeant le gouvernement à répondre à ce geste de paix».

«Chantage»

Bogota se retrouve ainsi sous pression après la grave crise traversée le mois dernier par le processus de paix, après la capture par les rebelles d'un général de l'armée, finalement relâché le 30 novembre. Cette libération avait permis de renouer les négociations de paix, suspendues à l'initiative de M. Santos.

Les pourparlers ont déjà permis d'aboutir à des accords partiels sur la nécessité d'une réforme rurale, la participation des ex-guérilleros à la vie politique ou encore la lutte contre le trafic de cocaïne.

Restent encore à régler les questions de la réparation pour les victimes, l'abandon des armes et les modalités d'une consultation populaire en cas d'un accord final.

«Il y a encore beaucoup de choses à négocier. La décision des Farc n'offre aucune garantie pour la fin du conflit, mais c'est une avancée», selon M. Restrepo.

L'annonce de la guérilla a aussi ravivé en Colombie l'opposition emmenée par l'ex-président Alvaro Uribe, qui a qualifié de «chantage» la position de la rébellion.

En outre, l'Armée de libération nationale (ELN), autre guérilla fondée dans les années 60 et qui compte 2500 combattants, n'a pas conclu de trêve de son côté.

Les autorités lui ont attribué jeudi une attaque ayant tué deux soldats et blessé trois civils, ainsi que l'enlèvement du maire de Alto Baudo, une localité dans le nord-ouest du pays.