Tabaré Vazquez a largement remporté dimanche le second tour des élections présidentielles en Uruguay, revenant au pouvoir après avoir été le premier dirigeant de gauche du pays, mais avec un regard critique sur la récente légalisation du cannabis.

Ce cancérologue de 74 ans, qui avait présidé le petit pays latino-américain de 2005 à 2010, a obtenu 56,6 % des suffrages selon les résultats définitifs excluant les votes blancs face à son opposant du Parti national (centre droit), Luis Lacalle Pou, 41 ans, fils d'un ancien président.

Dans un discours, M. Vasquez a appelé à une nouvelle approche face aux «nouveaux défis» du pays.

«Ce ne sera pas pareil, car l'Uruguay d'aujourd'hui n'est pas celui de 2005 ou de 2010», a-t-il lancé devant une foule de sympathisants euphoriques, descendus par milliers dans les rues de Montevideo.

Le président élu a plaidé pour un accord national dans la sécurité et l'éducation, deux thèmes-clés de la campagne : «en matière de développement économique et social, ce qui est authentique et durable est le fruit de travaux en commun».

Tabaré Vazquez prendra ses fonctions le 1er mars prochain, assurant un troisième mandat consécutif à la coalition de gauche du Frente Amplio (FA), dont les drapeaux rouge, bleu et blanc étaient agités par la foule dimanche soir dans la capitale.

Il aura la lourde tâche de succéder, avec un style plus classique, à José Mujica, dit «Pepe», coqueluche des médias internationaux pour son franc-parler contre la société de consommation et son mode de vie humble.

Et il devra faire face, d'une part, au ralentissement économique qui touche la région et, d'autre part, à ses propres réticences vis-à-vis de la loi phare de José Mujica, légalisant depuis décembre 2013 la marijuana sous contrôle de l'État.

Car, pendant ses cinq ans au pouvoir, Mujica a fait adopter des lois très progressistes pour l'Amérique latine comme la légalisation de l'avortement, du mariage homosexuel et du cannabis, sujets sur lesquels Tabaré Vazquez n'a pas toujours été d'accord, opposant notamment son véto à la loi sur l'avortement.

Une région qui ralentit

Cancérologue n'ayant jamais cessé d'exercer, même quand il était président, Tabaré Vazquez s'était illustré pendant son premier mandat par de sévères lois anti-tabac, qui avaient valu au pays un procès du fabricant de cigarettes Philip Morris.

Il déconseille fortement la consommation du cannabis, jugeant «incroyable» sa possible vente en pharmacie, prévue dans la loi, et a déjà assuré qu'il mettrait en place «une évaluation stricte de l'impact de cette loi sur la société».

Mais il ne devrait pas revenir sur cette loi pionnière dans le monde, se contentant selon ses mots des «corrections qui seront nécessaires», car la légalisation du cannabis était inscrite au programme du Frente Amplio.

Après avoir lancé, lors de son premier mandat, un plan d'urgence sociale pour relancer le pays après sa pire crise économique (2001-2002), Tabaré Vazquez revient au pouvoir alors que l'embellie semble justement s'essouffler.

Car si l'Uruguay affiche encore une bonne santé, avec un chômage faible (6,2 % en septembre), il faudra toutefois appliquer la rigueur : la région ralentit et le pays affiche un déficit budgétaire et une inflation élevés.

Dimanche soir, de nombreux sympathisants soulignaient les avancées sociales obtenues en dix ans de pouvoir de la gauche. «Nous votons pour le Frente pour tout ce qu'il a fait : les logements, le travail», racontait à l'AFP Shirley Muñoz, femme au foyer de 27 ans.

«Mes enfants étaient sans emploi et ils en ont obtenu un», assurait non loin de là Ana Bellusci, 64 ans, propriétaire d'un magasin.

Dans ce pays de 3,3 millions d'habitants où le vote est obligatoire sous peine d'amende, 2,6 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes, cinq semaines après un premier tour doublé d'un scrutin législatif.

Les résultats du 26 octobre, où le Frente Amplio avait maintenu sa majorité parlementaire, étaient encourageants pour Tabaré Vazquez, qui avait recueilli 47,8 % des suffrages, devant Lacalle Pou (30,9 %).

En votant dimanche matin dans le quartier populaire de La Teja, dans l'ouest de Montevideo, il avait d'ailleurs déclaré dans un large sourire : «je ne veux pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué».