Le président mexicain a proposé jeudi de dissoudre les polices municipales, un corps largement infiltré par le crime organisé, en réponse au  probable massacre de 43 étudiants livrés il y a deux mois par des policiers locaux à un cartel de narcotrafiquants.

Quelques heures seulement avant l'annonce du président Enrique Peña Nieto, une nouvelle découverte macabre avait été annoncée par les autorités, celle de onze corps décapités dans l'État du Guerrero, la région où les étudiants avaient été attaqués en septembre.

«Le Mexique ne peut pas continuer ainsi», a reconnu Peña Nieto, confronté à la plus grave crise depuis son accession à la présidence en décembre 2012, voire, selon plusieurs experts, la plus grave au Mexique depuis des décennies.

Dans un message à la nation présenté dans le cadre solennel du Palais national, le président a indiqué qu'il présenterait lundi au Parlement un projet de réforme constitutionnelle prévoyant de passer de «plus de 1800 polices municipales faibles, qui peuvent facilement être corrompues par des criminels, à 32 corporations solides de sécurité régionale».

Municipalités sous surveillance 

Il a également indiqué que le paquet de réforme de sécurité permettra au gouvernement fédéral de contrôler le bon fonctionnement des municipalités et éventuellement de les dissoudre «quand existent des indices suffisants que l'autorité locale est impliquée dans le crime organisé».

Le Mexique ne cesse depuis deux mois de manifester horreur et indignation face à l'attaque dont ont été victimes le 26 septembre à Iguala, dans l'État du Guerrero, des élèves-enseignants de l'école normale d'Ayotzinapa de la part de policiers locaux liés au cartel de narcotrafiquants des Guerreros Unidos, à l'instigation probable du maire de la ville.

Après cette attaque, qui avait fait six morts, les policiers avaient livré 43 étudiants à des tueurs de ce cartel. Selon les aveux de trois d'entre eux, tous auraient été tués, leurs corps brûlés et leurs restes jetés dans une rivière.

«Dans la tragédie d'Iguala se sont combinées des conditions inacceptables de faiblesse institutionnelle, que nous ne pouvons ignorer : un groupe criminel qui contrôlait le territoire de plusieurs municipalités, des autorités municipales qui faisaient partie de la structure de l'organisation criminelle, des policiers qui en réalité étaient des criminels aux ordres de délinquants», a décrit le président mexicain.

Depuis le lancement d'une guerre contre les narcotrafiquants en décembre 2006, le Mexique a enregistré plus de 80 000 morts liés à la violence des narcotrafiquants et plus de 20 000 disparitions.

Des centaines de fosses clandestines ont été découvertes pendant cette période dans tout le Mexique, contenant un nombre indéterminé de cadavres.

Nouveau massacre dans le Guerrero

Le président mexicain a indiqué que les quatre premiers États où les polices municipales seront dissoutes sont le Michoacán et le Jalisco (ouest), le Tamaulipas et le Guerrero où, en dépit de l'actuel déploiement de forces de sécurité, un nouveau massacre a été enregistré jeudi.

Onze cadavres décapités ont été jetés sur une route près de Chilapa, à une quarantaine de kilomètres d'Ayotzinapa, quelques heures après une fusillade dans la zone.

Les victimes, d'entre 20 et 25 ans, «ont été exécutées puis décapités, et ensuite quelques-unes ont été incinérées», a indiqué à l'AFP une source des autorités de sécurité du Guerrero.

Peña Nieto, qui a maintenu le déploiement militaire initié par son prédécesseur Felipe Calderon, avait assumé la présidence avec la promesse d'aboutir à un «Mexique en paix».

«Les efforts réalisés sont importants et ont contribué, dans une certaine mesure, à générer les conditions d'une meilleure sécurité dans certaines régions du pays», a dit le président avant de reconnaître que «les événements d'Iguala ont clairement démontré à tous, à la société et au gouvernement, qu'il reste encore beaucoup à faire».

Peña Nieto n'est pas le premier président à tenter de réformer la police mexicaine, une des institutions qui génère le plus de méfiance dans la population. Felipe Calderon avait mis en marche un programme des contrôle de qualification pour plus de 400 000 agents fédéraux, régionaux et municipaux.

Dans un rapport publié cette semaine, l'ONG Cause commune indique que 42 214 policiers des trois niveaux de gouvernement continuent d'être en activité, malgré leur échec à ces contrôles.