Les autorités mexicaines ont pour la première fois laissé entendre vendredi que les 43 étudiants disparus dans le sud du Mexique étaient probablement tous morts, en révélant que des suspects dans ce massacre qui a bouleversé le pays avaient avoué les avoir tués et brûlé leurs cadavres.

Le ministre mexicain de la Justice, Jesus Murillo Karam, a présenté lors d'une conférence de presse un scénario d'horreur qui est toutefois contesté par les parents des jeunes, qui considèrent que ces aveux n'ont pas valeur de preuves.

Les autorités sont à la recherche de dizaines d'élèves-enseignants disparus après l'attaque dont ils ont été victimes le 26 septembre, alors qu'ils s'étaient emparés de plusieurs bus à Iguala, dans l'État de Guerrero (sud).

Cette offensive, menée conjointement par des policiers corrompus et des membres du groupe criminel des Guerreros Unidos, avait fait 6 morts et 25 blessés.

Au total 74 personnes - policiers, fonctionnaires, criminels présumés - ont été arrêtées depuis les faits, a indiqué le ministre.

Trois de ces détenus, membres présumés des Guerreros Unidos, ont avoué que les étudiants ont été tués après avoir été livrés par des policiers municipaux entre les villes d'Iguala et de Cocula, a-t-il expliqué.

Un enfer de 14 heures

Ils ont été transportés cette nuit-là dans des véhicules vers une décharge proche de Cocula où une quinzaine d'entre eux sont arrivés déjà morts par asphyxie.

«Les détenus ont indiqué que dans ce lieu ils ont tué les survivants et ensuite les ont jetés dans la partie basse de la décharge et ont brûlé leurs corps.»

Selon leurs aveux, les corps ont été brûlés avec de l'essence, sur des bûchers de bois et de plastique, lors d'une opération qui a duré 14 heures, a précisé Jesus Murillo Karam.

«Le feu a duré de minuit à 14h00 le lendemain. Les criminels n'ont pas pu manipuler les corps pendant trois heures en raison de la chaleur», a-t-il ajouté.

Les suspects ont ensuite concassé les restes avant d'en remplir des sacs en plastique et de les jeter dans une rivière.

«Le niveau élevé de dégradation par le feu rend très difficile l'extraction de l'ADN qui permettrait l'identification. Cependant nous ne ménagerons pas nos efforts pour épuiser toutes les possibilités scientifiques», a affirmé le ministre.

La plus grave crise pour Peña Nieto

Immédiatement après la conférence de presse du ministre de la Justice, le président Enrique Peña Nieto, confronté à sa plus grave crise depuis son accession à la présidence en décembre 2012, a promis aux parents que tous les responsables de cet «horrible crime» seraient arrêtés.

«Aux parents des jeunes disparus et à la société dans son ensemble, j'assure que nous ne renoncerons pas jusqu'à ce que justice soit faite», a dit le président.

Les parents ont à leur tour tenu une conférence de presse à l'école des étudiants, à Ayotzinapa, pour affirmer qu'ils ne donnaient aucun crédit aux témoignages des criminels présumés et refusaient de croire à la mort de leurs enfants.

«Tant qu'il n'y a pas de preuves, nos enfants sont vivants», a déclaré Felipe de la Cruz, porte-parole des parents.

Reste la question des motifs de cette violence contre de jeunes élèves-enseignants.

Que venaient faire à Iguala ces étudiants, à plus de 120 kilomètres de leur école ? D'après eux, il étaient venus là pour recueillir des fonds, en s'emparant de plusieurs bus de transport public, une «coutume» bien établie.

Selon les autorités fédérales, ils ont été attaqués à l'instigation de l'ex-maire d'Iguala, José Luis Abarca, et son épouse, Maria de Los Angeles Pineda, soeur de trois narcotrafiquants notoires.

Le «couple impérial» aurait craint que la visite des étudiants à Iguala visait à perturber un événement public que Mme Pineda tenait ce jour-là en sa qualité de responsable d'un organisme local d'aide à l'enfance.

L'affaire des 43 disparus a jeté une lumière crue sur la collusion des autorités politiques et policières avec le crime organisé. Elle a bouleversé le Mexique, mobilisé des dizaines de milliers de personnes dans les rues, et provoqué des réactions d'horreur dans le monde entier.

Human Rights Watch a estimé cette semaine que l'affaire d'Iguala «est l'une des plus graves de l'histoire contemporaine du Mexique et d'Amérique latine». Mais elle n'a pas encore livré tous ses mystères.