«Où sont-ils?», «Rendez-les-nous vivants!», «Crime d'État»: les étudiants ont manifesté toute la semaine à travers le pays pour exiger des autorités qu'elles retrouvent leurs camarades disparus le 26 septembre dans l'État du Guerrero. La lenteur de l'enquête est mise à nu par les défenseurs des droits de l'homme, qui pointent l'impunité généralisée au Mexique.

L'affaire des 43 disparus jette les étudiants dans les rues et plonge le gouvernement dans la tourmente. Grèves universitaires, marches, rassemblements devant les établissements fédéraux: Mexico et les principales villes du pays grouillent de manifestants. Les slogans n'empruntent pas de détours: «Le gouvernement tue les étudiants, il tue l'avenir du pays.»

Toutes les foudres des manifestants s'abattent sur l'exécutif d'Enrique Peña Nieto, qui se drape dans un silence lourd. Plus d'un mois après les faits survenus dans la ville d'Iguala, au sud du Mexique, le mot «disparus» n'a plus le même sens. Aux yeux des manifestants, la disparition prolongée témoigne de l'absence de volonté officielle de retrouver les victimes.

«Ils ne les cherchent pas de manière efficace», affirme Omar García, porte-parole du comité étudiant et camarade des disparus au sein de l'École normale rurale d'Ayotzinapa.

Étonnamment, il y a davantage d'arrestations que de victimes: 59 responsables présumés sont sous les verrous. Parmi eux, on compte des policiers municipaux, qui auraient livré les jeunes à un cartel de narcotrafiquants local pour les exécuter, ainsi que le maire d'Iguala, José Luis Abarca, soupçonné d'avoir commandité le crime.

Les autorités affirment que des milliers de militaires et policiers ratissent la région à la recherche des étudiants.

«Sur un territoire qui n'est tout de même pas le continent américain», ironisent les médias. Introuvables, les étudiants? «Je crois que les autorités savent ce qui leur est arrivé», estime le journaliste José Reveles, spécialiste des affaires de corruption. «Mais elles gèrent la tragédie: elles dosent les informations en fonction des intérêts politiques.»

Confusion

Dès le début, le gouvernement a alimenté la confusion. Plusieurs jours se sont écoulés sans que le président souffle mot, avant que le ministre de la Justice, Jesús Murillo Karam, n'affirme qu'il s'agissait d'un problème local.

Ensuite, sans s'appuyer sur une identification formelle, le parquet fédéral déclarait que les premiers corps exhumés des fosses découvertes à Iguala n'étaient pas ceux des étudiants.

«Nous ne sentons pas un engagement sincère de la part du président», commente Omar García. Les étudiants survivants ont expliqué que les militaires, informés en temps réel de l'attaque de la police, avaient refusé de porter secours aux jeunes désarmés, alors que trois d'entre eux gisaient déjà morts.

«Le Mexique est un État de non-droit où l'impunité est la règle.» Hier, à Mexico, José Miguel Vivanco, directeur de Human Rights Watch pour les Amériques, a accablé le gouvernement de critiques.

D'après l'organisation de défense des droits de la personne, le président Peña Nieto dédaigne la crise d'Iguala, car il y voit un problème «toxique» pour son image. La participation d'agents de l'État dans les disparitions et les protections dont ils ont bénéficié au sein du pouvoir auraient empêché une enquête rigoureuse et impartiale, selon M. Vivanco.

«Le cas d'Iguala est le symbole de la profonde crise des droits de l'homme au Mexique.»

Sur le Zocalo, place centrale de Mexico, 43 chaises vides attendent les disparus.