Le gouvernement des États-Unis et l'Organisation des États Américains (OEA) ont demandé mardi que le Mexique fasse toute la lumière sur la disparition de 43 étudiants portés disparus depuis une attaque armée de la police et de criminels il y a dix jours dans le sud du pays.

Cette disparition «est un crime préoccupant qui exige une enquête complète et transparente», a dit mardi la porte-parole du Département d'État américain, Jen Psaki. «Les responsables doivent comparaître devant la justice», a-t-elle ajouté.

Par ailleurs, depuis Washington, le secrétaire général de l'OEA, José Miguel Insulza, s'est dit «consterné» par ce crime qui «endeuille non seulement les Mexicains, mais tous les pays des Amériques».

Le Mexique, pourtant habitué à une violence quasi-quotidienne et souvent impunie, était de son côté en état de choc après la découverte d'une fosse commune avec 28 corps, qui pourraient être ceux des étudiants.

Dès lundi, les forces fédérales, armée et la gendarmerie ont pris le contrôle de la ville, désarmant la police municipale et déployant sur place des centaines d'hommes.

La ville de 140 000 habitants, située à 200 kilomètres au sud de Mexico, a été le théâtre, le 26 septembre au soir, d'un violent affrontement entre ces étudiants (une centaine au départ), venus selon leurs dires récolter des fonds pour leurs études, et la police municipale, apparemment alliée à un gang criminel local, Guerreros Unidos.

Les étudiants, venus de l'école normale d'Ayotzinapa, connue pour être un foyer de contestation, s'étaient emparés de trois autobus des transports publics locaux pour rentrer chez eux, avant d'être attaqués par armes à feu, provoquant un total de six morts, dont trois étudiants.

Par la suite, nombre d'entre eux ont été vus monter dans des voitures de police vers une destination inconnue. 43 ne sont pas revenus.

Après des jours de recherche, notamment par les familles angoissées, la découverte d'une fosse commune près de la ville a jeté un froid. Deux membres présumés de Guerreros Unidos ont ensuite avoué avoir tué 17 des étudiants disparus.

Les parents, eux, continuent de penser qu'ils sont vivants et réclament qu'on leur rende leurs enfants.

Attaque inexpliquée

Mais une question demeure: pourquoi la police et le gang ont-ils attaqué les étudiants?

Une trentaine d'enquêteurs, d'experts légistes et de criminologues, aidés de spécialistes argentins, ont été chargés par le procureur de se pencher sur l'affaire.

«Le motif (de l'attaque) n'a pas encore été établi», a confié un responsable officiel à l'AFP.

Les médias mexicains citent un rapport des services secrets évoquant une possible implication du maire de la ville, actuellement en fuite, et de sa femme, qui est présidente des services départementaux à la famille (DIF).

Selon ce rapport, cité par le journal El Universal, ce jour-là Maria de los Angeles Pineda Villa a demandé à son chef de sécurité de faire appel à la police pour repousser les étudiants car elle craignait qu'ils interrompent le discours qu'elle devait prononcer.

L'arrivée de la police a tourné à l'affrontement verbal et physique avec les étudiants, qui se sont alors emparés des bus, et le directeur de la sécurité publique (lui aussi en fuite) aurait ordonné à ses hommes de les stopper.

Quand les étudiants sont sortis des bus, les agents ont commencé à tirer, tuant trois d'entre eux, selon le rapport réalisé par les services secrets CISEN.

Le maire de la ville, José Luis Abarca Velazquez, qui avait déclaré ne rien savoir de cette histoire, aurait en fait donné l'ordre au chef de la police de poursuivre et punir les étudiants, toujours selon ce rapport.

Les services secrets l'accusent, ainsi que sa femme, de liens avec le cartel de la drogue Beltran Leyva, dont le chef, Hector Beltran Leyva, a été arrêté la semaine dernière.

Le bureau du procureur a refusé de confirmer l'authenticité du document.

Le président Enrique Peña Nieto, dont la promesse de réduire la violence est remise en cause par plusieurs accès de violence récents, s'est voulu ferme lundi, affirmant qu'il n'y aurait «pas la moindre place pour l'impunité» face à ces faits «révoltants, douloureux et inacceptables».

Mais alors que 22 agents de police d'Iguala ont été arrêtés, dès lundi, une bannière signée Guerreros Unidos est apparue dans la ville, réclamant la libération des agents sous 24 heures.