Un évêque paraguayen, destitué jeudi par le pape, a estimé vendredi que François «aurait des comptes à rendre à Dieu» pour sa destitution, selon une lettre parue dans la presse locale, à la suite d'accusations de mauvaise gestion et de protection d'un prêtre pédophile.

Dans une longue lettre publiée d'abord sur le site du diocèse et adressée au cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, Mgr Rogelio Livieres Plano, ex-évêque de Ciudad del Este (Paraguay), membre de l'Opus Dei, met en cause directement le pape dans des termes extrêmement inhabituels et graves de la part d'un évêque.

«En tant que fils obéissant de l'Église, j'accepte cette décision, tout en la considérant infondée et arbitraire et au sujet de laquelle le pape devra rendre des comptes à Dieu», écrit-il.

Le Vatican s'est refusé vendredi à tout commentaire sur cette lettre incendiaire.

Mgr Livieres Plano avait été reçu à Rome quelques jours auparavant par le cardinal Ouellet, mais avait déploré de n'avoir pu s'expliquer devant le pape.

Reconnaissant des «erreurs humaines», le prélat paraguayen estime être victime d'une «persécution idéologique».

Mgr Livieres Plano, à la réputation très conservatrice, dénonce une «nouvelle irrégularité» dans «un procès anormal» : l'annonce de sa destitution par le nonce apostolique à Asunción avant même la notification par écrit.

L'ancien évêque souligne encore le «soutien» que lui ont «ouvertement» manifesté les fidèles.

Le Vatican n'a pas officiellement mentionné les reproches contre lui. Selon le site Vatican Insider, il est accusé d'avoir rompu, par une série d'accusations, l'harmonie entre évêques paraguayens, d'avoir ordonné des séminaristes sans formation suffisante et d'avoir promu à ses côtés un prêtre argentin controversé, cet aspect ayant été surtout mis en avant par les médias.

Avant que Mgr Livieres doive le relever de ses fonctions, ce prêtre était son vicaire général, Mgr Carlos Urrutigoity, de nationalité argentine. Urrutigoity est soupçonné d'attouchements sur de jeunes garçons il y a une dizaine d'années aux États-Unis, avant d'être accueilli dans le diocèse de Ciudad del Este.

Mgr Livieres aurait aussi utilisé des dons destinés à des oeuvres sociales pour construire un nouveau séminaire, où l'enseignement dispensé serait très conservateur et bâclé, selon ses opposants.

L'affaire semble avoir profondément divisé l'Église locale, entre une aile conservatrice et une aile progressiste.

Le communiqué du Vatican a demandé jeudi «au clergé et à tout le peuple de Dieu d'accepter les mesures du Saint-Siège avec un esprit d'obéissance» et invité les diocèses du pays à «un processus de réconciliation».

La réaction de l'évêque paraguayen s'insère dans un mécontentement diffus, mais de plus en plus perceptible de certains prélats à l'égard du style direct du pape François.