La mort, dans l'accident d'un jet privé, du candidat socialiste Eduardo Campos entraîne un changement de cap dans la course pour la présidentielle d'octobre au Brésil, car il pourrait être remplacé par l'écologiste Marina Silva, une candidate de poids face à Dilma Rousseff.

Troisième dans les sondages, derrière la présidente Dilma Rousseff, du Parti des travailleurs (PT, gauche) et le social-démocrate Aecio Neves (PSDB, opposition), M. Campos, crédité de 8% des intentions de vote, était le candidat du Parti Socialiste Brésilien (PSB) à l'élection du 5 octobre, avec l'écologiste Marina Silva comme vice-présidente.

«Le décès de M. Campos crée un élément nouveau, triste et émotionnel dans une campagne qui était plutôt morne. Le choix possible de Mme Silva comme remplaçante change la donne parce que c'est l'entrée en scène d'une candidate plus compétitive», explique à l'AFP l'analyste politique André César, consultant chez Prospectiva.

M. Campos, 49 ans, est mort mercredi dans la chute de son avion de campagne à Santos, une ville littorale de l'État de Sao Paulo.

«La présence de Marina Silva dans la course présidentielle (pourrait constituer) un défi de taille pour les deux principaux candidats: cela ouvre une troisième voie qui peut prendre rapidement de l'ampleur», estime l'économiste en chef de Gradual Investimentos, André Perfeito.

Ancienne ministre de l'Environnement de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (PT), Marina Silva, 56 ans, avait créé la surprise à l'élection de 2010, obtenant près de 20% des voix avec son minuscule Parti des Verts et arrivant ainsi à la troisième place du scrutin qui avait donné la victoire à Dilma Rousseff, héritière de Lula.

En s'alliant à la populaire écologiste, le socialiste Campos se présentait comme une alternative aux deux partis (PT et PSDB) qui gouvernent le Brésil depuis vingt ans.

«Très charismatique» 

Marina Silva est née dans une famille qui récoltait du latex en Amazonie et n'a été alphabétisée qu'à l'âge de 16 ans. Elle fut une camarade de lutte du défenseur de l'Amazonie, Chico Mendes, abattu en 1988.

«Marina Silva est très charismatique: on dirait Lula en jupe et elle attire la sympathie de plusieurs secteurs de la société», affirme à l'AFP Lucio Renno, politologue de l'Université de Brasilia, qui compare sa trajectoire à celle de Lula (2003-2010), un ex-ouvrier métallurgiste.

«L'élection offre plus de suspense si Silva est candidate. Cela augmente la possibilité d'un second tour», pronostique Ricardo Ribeiro, analyste de MCM Consultores.

L'ancien président Lula a estimé jeudi que ce n'était pas le moment de «parler de politique», tout en ajoutant qu'«évidemment la donne politique a changé» avec la mort de M. Campos.

«J'ignore l'ampleur de l'impact, nous n'allons pas essayer d'anticiper les faits. Nous allons attendre les funérailles de l'ami Eduardo et après nous pourrons reparler de politique», a-t-il assuré.

Le Parti Socialiste Brésilien devra décider rapidement qui sera son candidat, puisque la campagne électorale à la télévision commence officiellement mardi. Le PSB a dix jours, selon la loi, pour désigner un nouveau candidat.

Jeudi, le frère du candidat défunt, Antonio Campos, a appelé les membres du PSB à choisir l'écologiste Marina Silva, estimant que ce serait «la volonté de (son) frère».

«Comme militant du PSB, membre de sa direction nationale avec droit de vote et unique frère d'Eduardo, dont j'ai toujours accompagné la trajectoire, j'exprime mon opinion personnelle selon laquelle Marina Silva doit être la candidate présidentielle pour la coalition 'Unis pour le Brésil' que dirige le PSB», a déclaré Antonio Campos.

Initialement, Mme Silva voulait être candidate à la présidence avec son parti «Red Sustentabilidade» mais n'avait pas réussi à homologuer à temps sa formation auprès du Tribunal électoral et avait fini par s'allier à Eduardo Campos.

Cela ne va pas être une décision facile car «Marina n'appartient pas au PSB», dont beaucoup de membres ont critiqué l'appartenance de l'écologiste au culte évangélique et sa ferveur religieuse, souligne M. Ribeiro.

«Le PSB est partagé, mais n'a pas trop le choix car en politique ce qui compte, c'est d'arriver au pouvoir et Silva est la seule alternative», estime M. César.

Consternés par la mort de leur candidat, qui avait une excellente relation avec tous les hommes politiques brésiliens, les dirigeants du PSB ont averti que la décision ne serait pas immédiate.