Dans la capitale des embouteillages, le vélo s'impose désormais comme un moyen de transport quotidien. Les femmes ne sont néanmoins qu'une petite minorité parmi les cyclistes. Bravant la peur, un nombre croissant d'entre elles apprenent à pédaler.

Silvia Juárez n'était jamais montée sur un vélo de sa vie... avant aujourd'hui. «Mes parents ne m'ont pas appris, ils n'avaient pas le temps», explique cette trentenaire, alors qu'elle tente de donner son premier coup de pédale.

Elle ne prête guère attention aux centaines de cyclistes qui roulent à vive allure à quelques mètres d'elle sur l'avenue Reforma, la grande artère de Mexico fermée tous les dimanches matin à la circulation automobile et livrée aux vélos. «Quand je vois les autres, ça a l'air simple. Mais c'est loin de l'être», dit-elle en cherchant l'équilibre. De centimètre en centimètre, la distance qu'elle parcourt sans poser le pied à terre s'allonge au fil de la matinée.

Silvia fait partie de ces milliers de femmes mexicaines qui ont décidé de dépasser leur peur et d'enfourcher le vélo. Laura Bustos Endoqui, une jeune cyclo-militante qui donne des cours gratuitement depuis deux ans à ces femmes, y voit aussi un acte de libération. «On considère que les femmes sont fragiles, qu'elles ne peuvent pas faire certaines choses. Nous voulons les aider à surmonter ces préjugés sexistes grâce au vélo.»

À Mexico, les cyclistes masculins sont quatre fois plus nombreux que les femmes à vélo. «Le vélo m'a rendue plus indépendante», explique Laura, qui considère que le boom du vélo «ne va pas s'arrêter».

Le dimanche à Mexico, c'est «tous en selle». Des flots de cyclistes de tous âges, des familles entières, qui viennent parfois de quartiers éloignés, se lancent à l'assaut de l'avenue Reforma. Depuis 2007, la mairie organise cette «promenade dominicale», un acte festif, mais aussi politique, d'occupation de la ville par le vélo.

En 2010 on a lancé le programme de prêt public de vélos Ecobici. L'an dernier, le nombre d'usagers, qui s'acquittent d'un abonnement annuel de 400 pesos (33$), est passé du simple au double. Le vélo ne sert plus seulement aux balades récréatives.

Prochainement, le réseau de pistes cyclables sera étendu du centre vers le sud de la ville. «Nous voulons montrer aux habitants qu'il s'agit d'un moyen de transport viable, pour améliorer la mobilité et décourager l'usage de la voiture», explique Ruth Meza, responsable des programmes de promotion de la bicyclette à la mairie de Mexico. Quelque 75% des cyclistes aimeraient faire du vélo leur moyen de transport principal, mais ils renoncent à cause des longues distances et des dangers.

Une course d'obstacles

Mélanie Lehoux, professeure de français qui effectue jusqu'à 25 km par jour pour se rendre à ses cours, décrit son «parcours d'obstacles» quotidien à Mexico: «Les multiples trous dans la chaussée, les déchets au sol, les fils électriques qui pendent, les inondations fréquentes.»

Elle dit comprendre la peur des apprentis cyclistes. «Le pire, c'est l'absence d'éducation routière. Les voitures considèrent que c'est leur espace.» Devant cette hostilité, Mélanie a le projet de confectionner de grandes ailes d'ange ornées de bandes réfléchissantes qui, accrochées sur son dos, obligeront les voitures à respecter la distance réglementaire de 1,5 m. «Je veux interpeller visuellement les automobilistes», explique-t-elle.

Sur Reforma, la statue de l'Ange de l'Indépendance, qui inspire le logo de la ville, symbole protecteur pour ses habitants, représente justement une femme. Un ange à vélo pour faire prendre conscience qu'il faut partager la ville?

80%

La proportion d'hommes parmi les cyclistes à Mexico, selon une étude de l'Institut des politiques pour le transport et le développement (ITDP), un organisme privé présent dans plusieurs pays du monde.