Les Colombiens ont apporté dimanche un soutien en demi-teinte au processus de paix avec les Farc, en conservant une majorité relative au président Juan Manuel Santos, désormais confronté à la forte opposition de son prédecesseur Alvaro Uribe à l'issue des législatives, selon un décompte officiel.

Ce scrutin, marqué par une forte abstention de 60%,  constituait un test important pour la suite des négociations ouvertes depuis 16 mois avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), la plus ancienne rébellion d'Amérique latine, en activité depuis près d'un demi-siècle.

La coalition gouvernementale de centre droit a obtenu 44 sièges sur 102 au Sénat, contre 21 pour la liste de M. Uribe, farouche détracteur du processus de paix, qui s'est converti en la première force d'opposition, selon ce décompte diffusé après le dépouillement de 86% des bulletins.

«On peut dire maintentant qu'il y a une opposition en Colombie. Cette tendance en faveur d'Uribe est un vote de sanction pour Santos. Cela remue nettement les négociations avec les Farc», a réagi auprès de l'AFP Vicente Torrijos, expert en relations internationales.

La majorité présidentielle remporte aussi une majorité relative à la Chambre des représentants, qui correspond aux régions, avec 63 sièges sur 163.

Le président de l'autorité électorale, Carlos Ariel Sanchez, s'est félicité d'avoir «accompli son devoir envers le pays et dans la transparence pour tous», en annonçant le décompte.

Le Congrès bicaméral, composé par le Sénat au niveau national et de la Chambre des représentants pour les régions, aura pour tâche de valider un éventuel accord à l'issue des négociations qui se déroulent à Cuba, en l'absence de cessez-le-feu. Et notamment le point sensible de la participation des Farc à la vie politique avec des suspensions de peine.

La percée d'Uribe représente une «victoire importante» qui peut changer la donne, selon le politologue colombien Jorge Alberto Restrepo, directeur du Centre d'analyse du conflit (Cerac).

Un nouveau panorama politique

«Ce vote redessine le panorama politique par rapport au processus de paix. Cela complique l'horizon de Santos pour gouverner. Il va devoir construire une nouvelle alliance», a-t-il indiqué à l'AFP.

Le conflit colombien, le plus ancien d'Amérique latine, a fait plusieurs centaines de milliers de morts et quelque 4,5 millions de déplacés en cinquante ans, mêlant l'armée à des guérilla, des milices paramilitaires et des bandes criminelles.

M. Santos, qui brigue un second mandat de quatre ans en mai prochain, a misé toute son action sur le succès des pourparlers avec les Farc, la première rébellion du pays qui compte encore près de 8.000 combattants selon les autorités.

Après avoir voté, accompagné de sa famille, le chef de l'État s'était félicité d'avoir vécu les «élections les plus sûres et les plus tranquilles dans l'histoire du pays».

Selon le ministère de l'Intérieur, les actions armées ont été réduites de 90% par rapport aux précédentes législatives de 2010.

Aucun incident grave n'a de fait été signalé durant le scrutin auquel étaient appelés plus de 32 millions de Colombiens. La police a toutefois annoncé avoir désactivé des explosifs de faible puissance dans plusieurs départements où sont implantés les groupes illégaux. Une trentaine de personnes ont aussi été interpellées pour des fraudes.

La tranquillité du scrutin ne risque pas d'effacer toutefois le bémol de taille que constitue l'irruption en force du prédécesseur de M. Santos décidé à contrecarrer le processus de paix et sa réélection.

Populaire pour sa politique de fermeté envers les Farc entre 2002 et 2010, M. Uribe, qui a fondé le parti du Centre démocratique pour répondre à la «trahison» de M. Santos, a encore accusé les autorités de céder face à Cuba et au Venezuela, deux références des Farc.

Lors de son vote, le tonitruant dirigeant politique, contesté par une partie de la population pour des violations des droits de l'homme durant ses deux mandats, a affirmé lutter contre «le castro-chavisme sanguinaire que certains veulent amener en Colombie».