Le baron de la drogue le plus recherché du monde arrêté dans une station balnéaire au Mexique.

On dit qu'il avait 300 gardes du corps. On dit aussi qu'il se plaisait à faire couper la tête de ses victimes avant de balancer leurs cadavres en public, souvent en plein jour.

Joaquín Guzmán, dit El Chapo, milliardaire, criminel le plus puissant du Mexique et fugitif le plus recherché du monde, a été arrêté à 6 h 40 du matin, hier, dans une chambre d'hôtel de la ville côtière de Mazatlán, dans l'État de Sinaloa, au Mexique.

Une unité spéciale de la Marine mexicaine, avec le soutien de la Drug Enforcement Administration américaine, a mené à bien l'arrestation du fugitif, surnommé « l'Oussama ben Laden du Mexique », sans qu'un seul coup de feu soit tiré. Hier, Guzmán a été transporté à bord d'un avion militaire jusqu'à Mexico, où il sera détenu.

« Il y a tellement d'histoires qui circulent sur El Chapo Guzmán qu'il est difficile de faire le tri entre la vérité et le folklore, a expliqué hier en entrevue Molly Molloy, auteure rattachée à l'Université du Nouveau-Mexique et observatrice de longue date de la narcoviolence en régions frontalières. Au Mexique, il était devenu un personnage plus grand que nature. »

L'ennemi public no 1 depuis Al Capone

Chef du cartel de Sinaloa, Guzmán, 56 ans, était à la tête d'un empire de trafic de cocaïne, de marijuana, d'héroïne et de méthamphétamine vers les États-Unis, l'Europe et l'Asie. Un mandat d'arrêt est en vigueur contre lui aux États-Unis, où le département du Trésor le décrit comme le « plus puissant trafiquant de drogue du monde ». Washington offrait 5 millions de dollars pour tout renseignement menant à sa capture. Hier, le procureur général américain, Eric Holder, a déclaré que la capture de Guzmán constituait « une réalisation majeure et une victoire pour les citoyens du Mexique et des États-Unis ».

Jim Creechan, criminologue et professeur à l'Université de Guelph, note que la capture de Guzmán s'est probablement déroulée sans échange de coups de feu parce que le fugitif tentait de se cacher après un raid armé mené par la Marine mexicaine dans la ville de Culiacán, vers le 14 février dernier. « La Marine a arrêté une vingtaine de dirigeants du cartel de Sinaloa, mais Guzmán aurait réussi à fuir en rampant dans un réseau d'égouts, dit-il en entrevue téléphonique. L'opération s'est poursuivie, et ils l'ont finalement attrapé tôt hier matin. »

Joaquín Guzmán est surnommé El Chapo (le petit) en raison de sa petite taille (1,68 m). Guzmán est père d'au moins dix enfants issus de quatre mariages. Il a épousé sa quatrième femme, l'ex-reine de beauté Emma Coronel, en 2007, le jour où elle a eu 18 ans.

Cellulaires confisqués et évasion

Molly Molloy raconte qu'une des histoires les plus souvent entendues sur Guzmán est qu'il arrivait parfois dans des restaurants à l'improviste avec ses gardes du corps, qui passaient de table en table pour confisquer les téléphones cellulaires des clients. Guzmán dînait en paix, puis quittait les lieux en payant la note de tout le monde.

« Je n'ai jamais réussi à savoir si cela s'était passé ou pas, mais c'est ce que les gens racontent partout, dit-elle. Guzmán était recherché, mais il était si puissant dans l'État de Sinaloa qu'il pouvait évoluer dans un monde où des gens le soutenaient - ou, à tout le moins, refusaient de le dénoncer. »

En 1993, Guzmán a été condamné à 20 ans d'emprisonnement pour meurtre et trafic de drogue, mais il s'est échappé de sa prison à sécurité maximale, en 2001, en se cachant dans un chariot à lessive. Selon le journaliste Malcolm Beith, l'opération a coûté 2,5 millions en pots-de-vin versés à divers officiels de la prison.

Michel Marizco, journaliste d'enquête spécialisé dans le crime organisé à la station KVOA à Tucson, en Arizona, note que Guzmán et son organisation semblaient plus proches de la précédente administration mexicaine, celle du président Felipe Calderón.

« Quand Enrique Peña Nieto est arrivé au pouvoir, l'an dernier, on a commencé à entendre dire que le cartel de Sinaloa n'était plus dans les bonnes grâces du gouvernement, explique-t-il en entrevue. L'été dernier, le beau-père de Guzmán a été arrêté près de la frontière américaine. »

Selon lui, la question est maintenant de savoir si Guzmán sera extradé aux États-Unis, une perspective qui, semble-t-il, terrifiait, à l'époque, Pablo Escobar.

« Les procédures d'extradition prennent généralement de trois à cinq ans, dit M. Marizco. Et les Mexicains vont peut-être vouloir le garder et lui faire subir son procès au Mexique. »

Jim Creechan estime que l'arrestation de Guzmán ne fera pas diminuer la violence au Mexique. Par habitant, le Mexique a été plus meurtrier que l'Irak en 2013.

« Traditionnellement, quand des figures importantes des cartels ont été arrêtées, cela a provoqué une hausse de la violence, dit-il. Il y a désormais un vide à combler. »



Joaquín El Chapo Guzmán en 5 dates

4 avril 1957 : Naissance dans la petite ville de Badiraguato, État de Sinaloa, Mexique.

1989 : Après la capture du parrain Miguel El Padrino Ángel Félix Gallardo, Guzmán prend le contrôle du puissant cartel de Sinaloa, dont il assurait la logistique depuis le début des années 80.

9 juin 1993 : Guzmán est arrêté au Guatemala et extradé au Mexique, où il est reconnu coupable de meurtre et trafic de drogue. Il est condamné à 20 ans de prison.

19 janvier 2001 : Guzmán s'évade de prison en se cachant dans un chariot à lessive. Selon le journaliste Malcolm Beith, l'opération a coûté 2,5 millions de dollars en pots-de-vin versés à divers officiels de la prison.

22 février 2014 : Arrestation de Guzmán par la Marine mexicaine dans la station balnéaire de Mazatlán, sur la côte du Pacifique. Les détails du déroulement de l'arrestation ne sont pas encore connus.

Photo Damian Dovarganes, Archives AP

Joaquín El Chapo Guzmán a déjà été arrêté en 1993 et a été incarcéré dans une prison à sécurité maximale dont il a réussi à s'échapper en 2001.