Le gouvernement vénézuélien a été critiqué avec véhémence par les chefs de file de l'opposition jeudi dans sa tentative de maîtrise du mouvement de contestation en cours à coups de déploiements nocturnes qui ont transformé plusieurs régions du pays en de dangereuses zones de tir.

Les scènes de violences se sont répétées au cours des dernières nuits alors que des groupes de policiers, de soldats de la Garde nationale et de miliciens ont arpenté les rues de la capitale, Caracas, et d'autres villes en ouvrant parfois le feu à l'aveuglette.

L'ex-candidat à la présidentielle Henrique Capriles a soutenu que le gouvernement s'était engagé dans une «répression brutale» en s'attaquant aux étudiants et à d'autres manifestants, soulignant que certains appartements avaient été forcés pour y arrêter des individus accusés d'avoir participé à une tentative de coup d'État.

«Qu'est-ce que le gouvernement veut? Une guerre civile», a-t-il lancé en conférence de presse, jeudi.

David Smolanski, le maire d'un quartier de Caracas qui appartient au même parti que Leopoldo Lopez - leader de l'opposition vénézuélienne qui fera face à des accusations criminelles pour avoir organisé la manifestation ayant donné lieu à une semaine de troubles à travers le pays -, a de son côté déclaré que son arrestation et la traque de deux autres leaders prouvent que le Venezuela est en proie à ses pires persécutions politiques des dernières décennies.

«Si ce n'est pas un système totalitaire alors je ne sais pas ce qui pourrait expliquer ce qui se passe dans ce pays», a-t-il soutenu.

En début de journée, jeudi, un juge a statué que les preuves sont suffisantes pour maintenir en détention Leopoldo Lopez, qui s'est rendu aux forces de l'ordre dans un coup d'éclat plus tôt cette semaine alors que des milliers de ses partisans l'acclamaient.

Il devra notamment répondre d'accusations d'incendie criminel et d'incitation criminelle, en lien avec une importante manifestation organisée le 12 février. La semaine de prestations qui a suivie s'est soldée par la mort d'au moins six personnes et par plus d'une centaine de blessés.

Les procureurs ont toutefois décidé d'abandonner les accusations les plus graves, à savoir celles de meurtre et de terrorisme, quand M. Lopez s'est présenté devant la justice sur une base militaire près de Caracas, au terme d'une nuit de violence.

L'homme de 42 ans est passible d'une peine de 10 ans de prison s'il est reconnu coupable.

Quelques heures avant l'annonce de cette décision, lors d'une allocution télévisée de plus de deux heures, le président Nicolas Maduro avait laissé entendre que M. Lopez pourrait demeurer en prison et faire l'objet d'accusations criminelles.

«J'ai dit, «Jetez-le en prison', et c'est ce qui s'est produit et c'est ce qui va arriver à tous les fascistes, a-t-il lancé. Je ne lui permettrai pas de défier la volonté du peuple vénézuélien (ou) la Constitution.»

Le gouvernement accuse M. Lopez, un ancien maire et le chef du parti Voluntad Popular (Volonté populaire), d'avoir voulu orchestrer un coup d'État.

Le président a aussi annoncé qu'il adopterait des mesures drastiques à Tachira, un bastion de l'opposition dans l'ouest du pays, près de la frontière avec la Colombie, où des affrontements féroces ont éclaté entre manifestants et forces de l'ordre. M. Maduro s'est dit prêt à adopter un «état d'exception», une forme de loi martiale.

«S'il faut que je décrète un état d'exception pour Tachira et que j'envoie des blindés, c'est ce que je suis prêt à faire», a-t-il déclaré.

Le ministère de l'Intérieur a d'ailleurs fait savoir jeudi qu'un contingent de paramilitaires serait déployé dans la région pour y rétablir l'ordre.

Pendant que la décision de la justice se faisait attendre, dans la nuit de mercredi à jeudi, des manifestants antigouvernementaux de Caracas et d'autres villes ont incendié des poubelles et lancé des pavés aux membres de la Garde nationale. Ceux-ci ont répliqué avec des gaz lacrymogènes, des balles de caoutchouc et des canons à eau.

Des coups de feu ont aussi été entendus au centre-ville de Caracas. Des photos de gens grièvement blessés ont circulé sur les médias sociaux, mais il était impossible d'en vérifier l'origine. Des vidéos montrant les forces de l'ordre pourchassant les manifestants dans les rues et tirant avec leurs armes ont également été mises en ligne.

L'opposition a annoncé la tenue de manifestations dans plusieurs villes du pays samedi pour protester contre l'incarcération du militant et dénoncer la criminalité élevée, la pénurie de différents biens de consommation et le taux d'inflation de plus de 50 cents qui touchent le Venezuela.