Une centaine d'opposants et d'étudiants attendaient mercredi devant le palais de Justice de Caracas la comparution du dirigeant radical Leopoldo Lopez, l'un des principaux acteurs de 15 jours de crise au Venezuela s'étant soldés par quatre morts, selon un nouveau bilan.

Une jeune manifestante de 21 ans est morte mercredi après avoir été blessée par balle la veille à Valencia (nord) par des inconnus, dans une marche de l'opposition, a-t-on appris de source hospitalière.

La nouvelle a été annoncée alors qu'une centaine de partisans de M. Lopez montent la garde devant le tribunal protégé par la police où il doit être déféré dans la journée, au lendemain de sa reddition.

M. Lopez, 42 ans, fondateur du parti Voluntad Popular (droite) était recherché notamment pour homicide et incitation à la délinquance depuis une manifestation ayant causé la mort de trois personnes la semaine dernière à Caracas.

Il est l'un des opposants les plus radicaux au président Nicolas Maduro dans ce mouvement de contestation lancé début février par des étudiants protestant contre l'insécurité, l'inflation et les pénuries.

Mardi, il s'est rendu à la police devant des milliers de partisans et de nombreux journalistes sur une place d'un quartier chic dans l'est de la capitale.

La procureure générale Luisa Ortega Diaz, qui n'a pas indiqué à quelle heure précise aurait lieu la comparution, a précisé dans une interview télévisée qu'il faudrait attendre «la fin de l'audience pour savoir où il serait emprisonné, s'il restait en détention».

Cet opposant diplômé de Harvard à la carrière politique émaillée de démêlés avec le pouvoir «chaviste» (du nom de l'ancien président Hugo Chavez), a reçu le soutien de la coalition d'opposition de la Table de l'unité démocratique (MUD), en particulier des secteurs les plus radicaux. Ceux-ci appuient sa stratégie d'occupation des rues pour tenter d'obtenir «La Salida» (leur mot d'ordre : «La Sortie») du gouvernement.

Mais sa volonté de confrontation radicale ne fait pas l'unanimité au sein de la coalition et M. Lopez bénéficie surtout du soutien de la jeunesse mobilisée.

Détourner l'attention 

Pour le politologue Angel Oropeza, la détention de Leopoldo Lopez complique la situation du pouvoir, qui «devra bien évaluer ses conséquences politiques».

«Probablement, ils vont le retenir quelques jours. S'ils le libèrent déjà, ce sera un signe de faiblesse, mais s'ils le retiennent trop longtemps, cela pourrait entraîner encore plus les manifestations et augmenter la pression internationale», estime ce professeur de sciences politiques à l'Université Simon Bolivar (USB) interrogé par l'AFP.

D'après lui, l'unique point positif pour le gouvernement est d'avoir réussi «à ne plus avoir à se préoccuper des réponses à apporter la crise économique que traverse le pays pour déplacer le débat sur un terrain où il a toujours été plus à l'aise : celui de la confrontation politique».

Nicolas Maduro, dauphin de l'ex-président socialiste Hugo Chavez décédé il y a un an, affronte sa plus profonde crise sociale depuis son élection sur le fil en avril 2014 à la tête de ce riche pays pétrolier, toujours caractérisé par une instabilité économique et politique.

Point d'orgue de 15 jours de manifestations et de contre-manifestations, Caracas a été mardi le théâtre de deux mobilisations à l'appel des étudiants et de l'opposition d'une part, et du pouvoir d'autre part.

Dans l'est de la capitale, des milliers de manifestants vêtus de blanc fortement encadrés par la police ont assisté à la reddition très médiatique de Lopez souhaitant que son «arrestation infâme» serve à «réveiller le peuple».

Dans le centre, devant le palais présidentiel de Miraflores, le président Maduro a, quant à lui, harangué une dizaine de milliers d'employés de la compagnie pétrolière publique PDVSA, arborant la couleur rouge du pouvoir. Il s'en est notamment pris à ses homologues de droite chilien et colombien (Sebastian Piñera et Juan Manuel Santos) accusés d'«ingérence».

Malgré les craintes de voir se répéter les incidents violents lors d'une précédente manifestation la semaine dernière (trois morts, véhicules de police incendiés, dizaines d'interpellations), la journée a été plutôt calme.

La soirée a toutefois donné lieu à des blocages de rues et des feux de poubelles à Caracas, alors qu'au moins huit personnes ont été blessées par balle par des inconnus à Valencia dans une marche de l'opposition, selon la presse locale.

Décès d'une manifestante

Une manifestante blessée par balles alors qu'elle défilait avec l'opposition mardi dans le nord du Venezuela est décédée des suites de ses blessures, a annoncé mercredi une source hospitalière, portant à quatre le nombre de victimes de 15 jours de manifestations.

Génesis Carmona, 21 ans, avait été hospitalisée mardi dans la ville de Valencia, présentant une blessure par balles à la tête. «Oui, Génesis Carmona est décédée ce matin (mercredi)», a indiqué sous couvert d'anonymat une source à l'unité de soins intensifs de la clinique Méndez Guerra.

Une nouvelle journée nationale de mobilisation contre le gouvernement du président Nicolas Maduro s'est soldée mardi à Valencia par des incidents ayant fait au moins huit blessés par balles, dont Génesis Carmona, attaqués par un groupe d'inconnus, selon la presse locale.

Ce décès s'ajoute à ceux de trois personnes survenus en marge d'une manifestation ayant dégénéré en violences le 12 février à Caracas.

Depuis deux semaines, le pays est secoué par une fronde étudiante entamée en province d'abord contre l'insécurité puis contre la situation économique, marquée par une inflation record (plus de 56%) et des pénuries croissantes.