L'opposant vénézuélien en fuite Leopoldo Lopez s'est rendu mardi à la police à Caracas lors d'une journée marquée par la mobilisation des partisans et des opposants au président Nicolas Maduro, confronté depuis 15 jours à une grogne sociale parfois violente.

Un rassemblement de plusieurs milliers d'opposants «anti-chavistes» organisé dans l'est huppé de Caracas a donné lieu à la reddition sous l'oeil des caméras du dirigeant du parti Voluntad Popular, Leopoldo Lopez, visé par un mandat d'arrêt sous l'accusation d'homicide et d'incitation à la violence, après une manifestation qui s'était soldée par trois morts la semaine dernière.

Le président Nicolas Maduro s'est lui adressé à ses partisans, de rouge vêtus, convoqués en centre-ville devant le palais présidentiel de Miraflores, se félicitant que «ce responsable politique de la droite vénézuélienne soit entre les mains du ministère public pour répondre de ses appels à la sédition».

M. Lopez a été transféré en voiture au côté du président de l'Assemblée nationale et numéro deux du pouvoir Diosdado Cabello vers une prison du centre du pays, selon M. Maduro.

Il s'en est vivement pris aux présidents de droite du Chili et de la Colombie, Sebastian Piñera et Juan Manuel Santos, accusés d'ingérence dans les affaires vénézuéliennes: «Ca suffit, bordel!», s'est-il exclamé devant une foule d'au moins 10.000 personnes, selon des sources indépendantes.

M. Maduro, le dauphin de l'ex-président socialiste Hugo Chavez, affronte sa plus profonde crise sociale depuis son élection sur le fil en avril 2014, née d'une fronde étudiante entamée début février en province sur le thème de l'insécurité mais qui s'est ensuite étendue à la critique de la situation économique (inflation de 56%, pénuries), dans ce riche pays pétrolier.

Les secteurs les plus radicaux de l'opposition, emmenés notamment par M. Lopez, un ancien de Harvard de 42 ans, se sont associés aux manifestations, encourageant même une occupation des rues jusqu'à obtenir la chute du gouvernement, sous le mot d'ordre de «La Salida» («La Sortie»).

Plusieurs milliers d'opposants, vêtus de blanc, ont répondu à l'appel de Leopoldo Lopez, pour une marche vers le ministère de la Justice. Les autorités ayant assuré qu'elle n'était pas autorisée, un fort contingent policier a contraint les manifestants à rester sur la place Brion, où ils s'étaient rassemblés en fin de matinée.

C'est là qu'est finalement apparu le fugitif, juché sur une statue, drapeau vénézuélien en main, conspuant une justice «injuste» et «corrompue».

«Mon emprisonnement infâme vaudra la peine» s'il permet au «Venezuela de se réveiller définitivement», a-t-il également lancé avant de monter dans un véhicule de police, aux cris de «Liberté! Liberté!», scandé par ses partisans, qu'il a appelés au calme.

Pas d'incidents  

Malgré les accusations réciproques d'irresponsabilité pour avoir appelé à défiler le même jour à faible distance dans une capitale encore marquée non seulement par les morts de la semaine dernière mais par le souvenir de manifestations ayant mené en avril 2002 au bref renversement de Hugo Chavez, aucun incident n'était à déplorer mardi après-midi.

«24.763 morts violentes en 2013. Nous sommes plus que des chiffres», pouvait-on lire sur la pancarte brandie par un étudiant, dans l'est de la capitale.

«Nous exprimons la frustration que nous ressentons, le pays est un chaos, il n'y pas de fournitures dans les hôpitaux, trop d'insécurité, je veux un Venezuela qui progresse, où je puisse rester», déclarait à l'AFP Satle Oviedo, 27 ans, employée dans un hôpital public.

Cette crise survient à moins d'un mois du premier anniversaire du décès de Hugo Chavez dans un pays toujours en proie à une instabilité politique et économique, alors qu'aucune élection n'est prévue avant au mieux 2016, à mi-mandat de M. Maduro, quand pourrait éventuellement être convoqué un référendum révocatoire contre lui.

La stratégie de confrontation directe choisie par M. Lopez et quelques autres ne fait pas l'unanimité au sein de la coalition d'opposition de la Table de l'unité démocratique (MUD), dont la principale figure, le gouverneur et ancien candidat présidentiel Henrique Capriles, a estimé que les conditions «n'étaient pas réunies» pour obtenir le départ du gouvernement.

Les États-Unis, premier partenaire commercial du pays mais régulièrement accusés par le président Maduro d'alimenter les troubles, ont évoqué mardi la possibilité d'«actions» contre le Venezuela en représailles après l'expulsion dimanche de trois diplomates auxquels le gouvernement reproche d'avoir offert des visas à des étudiants.