Le Brésil a enregistré 312 meurtres d'homosexuels, travestis et transsexuels en 2013, soit 7,7 % de moins par rapport à l'année précédente, mais ils laissent au pays la palme de «champion du monde des crimes homophobes», a annoncé jeudi le Groupe Gay de Bahia (GGB).

Il se produit au Brésil «un assassinat toutes les 28 heures», a dénoncé cette ONG qui établit des statistiques sur ce type de crime depuis trente ans. «Le manque de politiques publiques consacrées aux minorités sexuelles tache de sang les mains de nos autorités».

Le total de 2013 représente une hausse de 14,7 % depuis l'arrivée au pouvoir de la présidente Dilma Rousseff le 1er janvier 2011, ajoute-t-elle, précisant que 40 % des crimes commis en Amérique du Sud contre les homosexuels, les travestis et les transsexuels, l'étaient au Brésil.

Un projet de loi pour punir l'homophobie rencontre depuis des années la résistance des courants catholiques et évangélistes au Parlement.

En 2011, l'union stable de couples homosexuels a été reconnue par la Cour suprême, qui leur a garanti les mêmes droits qu'aux couples hétérosexuels.

En 2013, la justice a même estimé que les institutions publiques qui célébraient des mariages n'avaient pas le droit de refuser des couples homosexuels. Le Parlement n'a cependant pas voté de loi dans ce sens.

Des partis accusés de payer les manifestants violents

La mort d'un caméraman de télévision a envenimé le climat politique à Rio de Janeiro où s'est tenue jeudi soir une  manifestation cette fois pacifique, des partis d'extrême gauche étant accusés de payer les protestataires violents.

Au moins un millier de manifestants ont défilé sans incident contre la hausse du ticket de transports, quelques heures après l'incinération de Santiago Andrade, le caméraman de TV Bandeirantes mortellement atteint le 6 février par une fusée de feu d'artifice allumée par un manifestant.

«La presse, fasciste! C'est vous les terroristes», ont scandé au sein de la foule un groupe d'une trentaine de manifestants, au milieu de nombreux autres slogans contre le Mondial de football qui débutera dans quatre mois au Brésil.

Le militant soupçonné d'avoir allumé l'engin ayant tué le caméraman a assuré à la police que «des personnes encouragent les jeunes à participer aux défilés» et qu'il avait déjà été «invité à y participer contre rémunération».

Les plus radicaux, la plupart d'origine modeste, reçoivent également parfois de la nourriture et des billets de transport pour se rendre aux manifestations, a affirmé Caio Silva de Souza, 23 ans, dans sa déposition intégralement publiée par le quotidien populaire Extra.

«Ici par idéal!» 

Son avocat, Jonas Tadeu Nunes, avait assuré mercredi à la télévision Globo que son client et d'autres manifestants recevaient 150 reais (68$) pour «déclencher des violences» et «déstabiliser le gouvernement». Le salaire minimum au Brésil est de 327 $ par mois.

Caio Silva de Souza a ajouté «croire» que «les partis qui emmènent (leurs) bannières (aux manifestations) sont ceux qui paient les manifestants», et en mentionne certains d'extrême gauche tels que le PSOL et le PSTU.

Le très impopulaire gouverneur de Rio Sergio Cabral s'est joint à ces accusations, assurant qu'«il y a des partis politiques et des organisations impliqués dans ces actions».

«Il y a des groupes et des courants de partis politiques qui méprisent le processus démocratique, les institutions, l'économie de marché», a ajouté M. Cabral, cible de la contestation depuis la fronde sociale massive de juin 2013.

Le député de gauche de l'Etat de Rio, Marcelo Freixo (PSOL), figure de la lutte contre les milices d'extrême droite, a été lui-même accusé de proximité avec les deux militants emprisonnés pour l'homicide du cameraman.

Il a vigoureusement nié tout lien avec eux, tout en disant avoir «eu tort de ne pas avoir condamné avec plus de fermeté» par le passé les violences provoquées en général par les anarchistes des Black Blocs.

Ces accusations interviennent dans un climat pré-électoral déjà vif, à huit mois des élections générales d'octobre (présidentielle, législatives, gouverneurs, sénatoriales partielles).

«Je n'ai pas reçu un réal, je suis ici par idéal !» pouvait-on lire sur les pancartes brandies jeudi par les manifestants encadrés par un lourd dispositif policier.

«Dans les manifestations, oui il y a de la manipulation politique, il y a des personnes infiltrées pour provoquer des tumultes mais elles viennent de la droite, pas de la gauche», a assuré à l'AFP Diego Medeiros, 31 ans, professeur d'histoire et membre du PSOL, un parti d'extrême gauche.

Loi antiterroriste 

«Le but est d'affaiblir les manifestations avant la Coupe du monde», a estimé ce militant favorable au déroulement du Mondial au Brésil, malgré les critiques.

C'est dans ce climat tendu qu'a resurgi à Brasilia la discussion autour d'un projet de loi antiterroriste controversé qui pourrait englober les violences physiques au cours des manifestations, selon son libellé provisoire.

«C'est un instrument contre n'importe quelle manifestation libre, contre n'importe quelle mobilisation civile organisée» qui rappelle la dictature militaire (1964-1985), a critiqué le sénateur Randolfe Rodrigues (PSOL).

Le parlementaire estime que cette loi cherche à satisfaire la Fédération internationale de football (Fifa) et à décourager l'organisation de manifestations pendant le Mondial.

- Laura BONILLA CAL, AFP