Les Salvadoriens votent dimanche pour un scrutin présidentiel qui offre l'occasion à l'ex-guérilla marxiste de se maintenir au pouvoir cinq ans après en avoir chassé la droite.

Avec l'élection de Mauricio Funes en 2009, le Front Farabundo Marti pour la libération nationale (FMLN), était parvenu à mettre un terme à 20 ans d'hégémonie des conservateurs dans ce petit pays d'Amérique centrale encore marqué par les stigmates d'une sanglante guerre civile (1980-1992).

À l'époque, M. Funes, ancien journaliste vedette au profil modéré, rassurait ceux qui s'inquiétaient de voir les ex-rebelles diriger le pays. Mais cette fois, le président sortant ne peut se représenter et le FMLN a choisi d'investir un candidat directement issu de ses rangs: l'ex-commandant rebelle et actuel vice-président Salvador Sanchez Ceren.

Les dernières enquêtes d'opinion publiées à la fin de la campagne créditaient cet ancien professeur de 38,3 à 46,8% d'intentions de vote, des projections favorables, mais a priori insuffisantes pour franchir la barrière des 50% synonyme de victoire dès le premier tour.

S'il était élu, M. Ceren deviendrait le troisième président latino-américain en activité issu d'une guérilla de gauche après la Brésilienne Dilma Rousseff et l'Uruguayen José Mujica.

Face à lui, la droite se présente en ordre dispersé. L'Alliance républicaine nationaliste (ARENA, droite) a logiquement investi le maire de Salvador Norman Quijano, mais celui-ci risque de pâtir de la candidature dissidente de l'ancien président Antonio Saca (2004-2009), vexé d'avoir dû porter seul le fardeau de la défaite de 2009. Dans les sondages, M. Quijano enregistre de 29 à 32,8% des suffrages, contre de 11,6 à 14,7% pour M. Saca.

À l'issue du scrutin de dimanche, ou d'un second tour éventuel le 9 mars, le vainqueur héritera d'un pays en butte à un taux de pauvreté dépassant les 40%, selon le Pnud, et à une criminalité parmi les plus élevées au monde. Cependant le gouvernement a souligné vendredi que la campagne s'était pour une fois déroulée sans heurts majeurs entre les partisans des cinq candidats.

Pendant son mandat, M. Funes a tenté de juguler tant bien que mal ces deux phénomènes sans vraiment pouvoir s'appuyer sur des institutions fragiles et gangrenées par la corruption. Il a notamment lancé de nombreux programmes sociaux et obtenu quelques résultats, mais n'a pu véritablement inverser la tendance.

La fille du candidat de droite promue Première dame

Lors de la campagne, M. Ceren s'est engagé à poursuivre le programme anti-pauvreté de son prédécesseur et à faire de la probité une priorité de son mandat. Il projette aussi de lancer le programme «un enfant, un ordinateur».

Il a aussi garanti à ses concitoyens la «tranquillité» face à la menace des groupes criminels et des «maras», gangs d'adolescents connus pour les nombreux tatouages de ses membres qui sèment la terreur dans le pays. Dans ce domaine, il prône comme son prédécesseur la prévention et la réinsertion.

«Nous avons gagné le droit de gouverner cinq ans de plus», a-t-il assuré pendant la campagne, soulignant que «sous le gouvernement du Front, les exclus ont commencé à être la véritable cible» de la politique.

Norman Quijano, âgé de 67 ans, envisage lui aussi de travailler «pour plus de sécurité et plus d'emplois», promettant notamment une «main ferme» contre les criminels. Soutenu par les milieux d'affaires, mais considéré comme peu charismatique, ce dentiste de formation a bénéficié d'une large couverture des médias privés pour diffuser son discours fustigeant un adversaire qualifié de «communiste».

Pendant sa campagne, il s'est distingué par son opposition à la trêve conclue entre les deux principales «pandillas» («bandes») du pays, la «Mara 18» et la «Mara Salvatrucha», qui a pourtant permis depuis mars 2012 de faire passer les homicides quotidiens de 14 à 6,8, selon des chiffres officiels.

Par ailleurs, ce divorcé aux cheveux et moustache poivre et sel a indiqué qu'une de ses filles serait promue Première dame s'il était élu.

Alors que les observateurs s'inquiètent du manque de propositions économiques concrètes des deux favoris, l'analyste politique Roberto Cañas relève que «tout indique qu'il y aura un deuxième tour».

Organisé dans quelque 1.500 bureaux de vote sous la surveillance de 22 000 policiers et 19.000 soldats, le scrutin s'ouvre à 07H00 locales (8h à Montréal) et prendra fin à 17H00 (18h à Montréal). Les premiers résultats sont attendus cinq heures après la fin des opérations de vote, surveillées par environ 200 observateurs étrangers.