Les forces de sécurité mexicaines, armée et police fédérale, ont repris l'initiative mardi dans l'Ouest du Mexique face aux narcotrafiquants, dont elles ont occupé une ville-bastion, et aux milices d'autodéfense qu'elles désarment au risque de violences faisant au moins un mort.

Policiers et militaires ont désarmé mardi la police municipale d'Apatzingan dans le Michoacan (ouest) et pris le contrôle du principal fief bastion des narcotrafiquants dans cet État livré à la violence et encerclé depuis la semaine dernière par les milices d'autodéfense.

Plus de 200 éléments du dispositif de sécurité fédéral déployé au Michoacan occupent depuis l'après-midi de mardi le centre historique d'Apatzingan (120 000 habitants), appuyés par des unités blindées, a constaté l'AFP.

Un commandant de la police fédérale a indiqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que les policiers municipaux en activité mardi dans ce bastion du cartel criminel des Chevaliers Templiers, avaient été retenus dans leur caserne, «désarmés et sans matériel de communication».

Le gouvernement fédéral a renforcé depuis lundi son opération de sécurité mise en place au mois de mai au Michoacan à la suite d'affrontements entre narcotrafiquants et milices d'autodéfense.

Ces groupes d'autodéfense ont été créés par des habitants de plusieurs localités du Michoacan pour se défendre des actes criminels des Templiers, face à l'impuissance des autorités. Au cours des derniers mois, ils ont lancé une offensive pour prendre le contrôle de municipalités aux mains des narcotrafiquants.

L'opération de sécurité fédérale tente depuis lundi soir de désarmer ces milices d'autodéfense, provoquant plusieurs incidents. Selon ces groupes, mardi à l'aube les militaires ont ouvert le feu, faisant quatre victimes, tandis que les autorités locales ont fait état d'au moins un mort.

Ces incidents sanglants sont intervenus dans la localité de Cuatro Caminos, mardi à l'aube, après la demande adressée la veille par le gouvernement aux groupes d'autodéfense de déposer les armes.

Estanilao Beltran, un chef milicien, a raconté à l'AFP qu'un convoi de militaires s'était présenté mardi à l'aube dans la localité de Cuatro Caminos pour désarmer le groupe d'autodéfense qui en avait pris le contrôle en fin de semaine pour en expulser le cartel des Chevaliers Templiers.

Selon Beltran, des habitants de Cuatro Caminos sont alors sortis de leurs maisons pour exiger des militaires qu'ils rendent les armes prises aux miliciens et ont bloqué la route afin d'empêcher les soldats de repartir.

«Lors de cette confrontation, un soldat a tiré et tué deux (miliciens) communautaires sur place. Deux autres personnes, blessées, dont une fillette de 11 ans, sont mortes lors de leur transport à l'hôpital», a dit Beltran, qui a assuré avoir été présent au moment de l'affrontement.

«L'armée doit se maîtriser»

Des journalistes de l'AFP ont assisté mardi à la veillée funèbre d'un jeune tué dans ces événements.

«Nous étions réunis car nous demandions la paix et la sécurité. L'armée doit se maîtriser», a dit Juana Perez, mère du défunt, Rodrigo Benitez, 25 ans.

«Mon fils n'était pas dans l'autodéfense, mais il était accouru pour aider des villageois dans la confrontation avec l'armée et il est mort d'une balle perdue», a raconté cette mère de neuf enfants, effondrée en larmes devant le cercueil de son fils.

Les groupes d'autodéfense surarmés se sont multipliés depuis février dernier dans diverses localités du Michoacan, créées au départ par des civils - entrepreneurs, artisans, médecins, agriculteurs - exaspérés face à l'impuissance des polices municipales à protéger les populations face aux exactions criminelles des Templiers.

Beltran a assuré que son mouvement ne lâcherait les armes qu'après l'arrestation des principaux chefs des Templiers.

Les milices soutenues par d'autres cartels ?

Le Michoacan était déjà l'État où le précédent président, Felipe Calderon (2006-2012) avait pour la première fois lancé l'armée contre les narcotrafiquants, en décembre 2006.

La décision fédérale de s'opposer à des milices de plus en plus puissantes vient après les critiques sur la passivité dont aurait fait preuve jusqu'à présent le gouvernement face aux groupes d'autodéfense, devenus de véritables groupes paramilitaires.

Ces milices, qui ont pris au cours des derniers mois le contrôle d'une vingtaines de municipalités, où elles érigent des barricades en sacs de sable, avaient annoncé leur intention de s'attaquer au principal bastion d'Apatzingan.

Le ministre de la Justice a indiqué mardi qu'il avait des informations sur le fait que des groupes d'autodéfense étaient l'objet «d'un certain parrainage» de la part de groupes criminels opposés aux Chevaliers Templiers, selon les déclarations mêmes de miliciens arrêtés.