L'ex-présidente socialiste Michelle Bachelet, bardée d'un ambitieux programme de réformes et d'une sérieuse avance au premier tour de la présidentielle chilienne, s'apprête à entériner dimanche son retour à La Moneda, face à la candidate de droite Evelyn Matthei.

Au terme d'une campagne électorale sans lustre, les Chiliens retrouveront le chemin des urnes quatre semaines après le premier tour du 17 novembre qui a vu Michelle Bachelet prendre la tête avec 46,6 % des voix face à huit autres candidats.

Malgré cet avantage, la candidate socialiste, 62 ans, n'a pu passer la barrière des 50 % plus une voix nécessaires pour sceller sa victoire face à sa rivale conservatrice, Evelyn Matthei, ex-ministre du Travail du gouvernement du sortant Sebastián Piñera.

Evelyn Matthei, 60 ans, a recueilli contre toute attente 25,1 % des voix, forçant la candidate socialiste à un deuxième tour dont elle pensait pouvoir se passer.

Les deux femmes qui s'affrontent dans un duel électoral sans précédent en Amérique latine ont en outre la particularité de partager un passé commun.

Filles de généraux de l'Armée de l'air qui étaient des amis proches, elles ont partagés les jeux de l'enfance et l'ambiance familiale d'une base militaire.

Mais le coup d'État qui a installé la dictature d'Augusto Pinochet en 1973 changera leur vie à tout jamais.

Alberto Bachelet fut torturé à mort pour sa fidélité à l'égard du président déchu Salvador Allende. De son côté, Fernando Matthei rejoint la junte militaire.

La mort de son père après des mois de détention et de torture marquera profondément sa fille Michelle et déterminera un engagement politique qui la conduit aujourd'hui pour la deuxième fois à la présidentielle, après un premier mandat de 2006 à 2010.

Evelyn Matthei se tournera elle vers l'économie puis militera activement dans l'un des partis soutenant le dictateur avant de devenir député, sénatrice et enfin ministre.

À ce jour, elle refuse de qualifier de dictature l'ère Pinochet, préférant utiliser les termes «gouvernement militaire».

Pour sa part, Michelle Bachelet connaitra la torture et l'exil. Après un premier mandat achevé sur une cote de popularité intacte, cette médecin de formation a passé trois ans à la tête de l'ONU-Femmes à New York.

Appuyée par une large coalition de gauche qui a raflé la majorité des sièges (67 sur 120) aux élections parlementaires du 17 novembre, la candidate socialiste est consciente des attentes de la société chilienne, en particulier les jeunes.

Elle propose de mettre en marche ses réformes dans les cent jours suivant son investiture le 11 mars prochain.

Ces changements portent notamment sur une révision de la Constitution héritée de la dictature, une réforme fiscale et une refondation du système éducatif qui vise à instaurer une éducation publique de qualité.

«Nous avons deux choix ce 15 décembre : une option qui veut des changements et une autre qui pense qu'ils ne sont pas nécessaires», a résumé cette semaine Mme Bachelet dans la dernière ligne droite de sa campagne.

«C'est une élection qui se tient dans des conditions sans précédent, rarement le résultat d'un second tour aura été aussi clairement prévisible», relève pour l'AFP le politologue de l'Université Adolfo Ibáñez Cristobal Bellolio.

«Matthei va perdre, je ne sais pas s'il s'agira d'une défaite écrasante, car cela dépend du nombre d'électeurs, mais la droite sera sévèrement battue», prédit-il.

Un sondage rendu public mercredi indique que Mme Bachelet pourrait l'emporter par 64 % des voix, contre 33 % à Mme Matthei.

Plus de 13 millions de Chiliens sont appelés à voter dimanche, mais l'abstention, qui a dépassé 50 % au premier tour, pourrait s'accentuer alors que le vote n'est plus obligatoire au Chili.

«Il n'y a pas de recettes magiques, ce qu'il y a c'est la volonté d'une présidente, son énergie, sa détermination et l'appui de millions de personnes qui partagent les mêmes rêves», a lancé mercredi Mme Bachelet dans un rassemblement à Valparaiso.

«Je ne vais pas démolir les murs de cette maison que nous avons construite ensemble, parce que nous vivons dans un pays merveilleux», a assuré pour sa part l'ex-ministre du Travail.