Taux d'homicide record, pauvreté en hausse, corruption massive, conflits agraires meurtriers... Le Honduras élit dimanche son nouveau président, qui héritera d'un pays en crise, encore marqué par le renversement en 2009 de l'ancien chef de l'État Manuel Zelaya.

Huit candidats, dont l'épouse du président déchu Xiomara Castro (gauche), se disputent la succession de Porfirio Lobo (conservateur), élu fin 2009 lors d'un scrutin organisé par le pouvoir transitoire qui a pris les rênes du pays après un coup d'État.

Le 9 juin 2009, une coalition composée de militaires, d'hommes politiques conservateurs et d'entrepreneurs renverse au milieu de la nuit le président Zelaya, élu en 2005 sur un programme libéral, mais qui avait ensuite opéré un virage à gauche, se rapprochant notamment du Vénézuélien Hugo Chavez.

Avec environ 27 et 28 % des intentions de vote, selon les sondages, deux candidats mènent la course pour briguer un mandat unique : Mme Castro, du parti Liberté et Refondation, fondé par son époux à son retour d'exil en 2011, et Juan Orlando Hernandez, actuel président du Congrès, candidat du Parti national (droite, au pouvoir).

Partisane d'un «socialisme démocratique à la hondurienne», Xiomara Castro, 54 ans, souhaite convoquer «une assemblée constituante» pour «refonder» le pays et appelle à «la réconciliation» avec les putschistes.

Sa candidature représente la meilleure chance de mettre fin au bipartisme de droite, entrecoupé de gouvernements militaires, qui règne sur le pays depuis plus d'un siècle entre le Parti national et le Parti libéral, représenté par l'avocat Mauricio Villeda (troisième dans les sondages, à 17 %).

Au coude à coude avec Mme Castro, l'avocat et homme d'affaires prospère Juan Hernandez, favorable au coup d'État, joue sur la peur et accuse sa rivale d'être la candidate de la «confrontation».

Adepte de la manière forte, il a fait de la sécurité son principal axe de campagne, suscitant des craintes de dérive «autocratique» jusque dans les rangs des anti-Zelaya.

«Je ferai ce qu'il y a à faire pour combattre la criminalité», a-t-il asséné, prônant malgré les réticences des défenseurs des droits de l'homme le recours à l'armée pour rétablir la sécurité dans un pays affichant le record mondial de 85,5 homicides par an pour 100 000 habitants, selon les chiffres de l'Observatoire de la violence de l'Université nationale.

Violence, pauvreté, impunité

Entre putschistes et légalistes, «les blessures ne sont pas refermées. Ma peur est que si les élections ne sont pas transparentes et légitimes, (les plaies) saignent à nouveau», indique à l'AFP Adan Palacios, de l'ONG locale Monitor Electoral.

À la violence, due notamment au narcotrafic et aux activités des «maras» - des gangs criminels se livrant à divers trafics et aux extorsions dont les membres sont identifiables à leurs nombreux tatouages - s'ajoutent la pauvreté qui touche plus de 70 % des 8,4 millions de Honduriens, et le chômage (40 %), rapporte l'ONG Forum social de la dette extérieure.

Des chercheurs du Centre américain d'investigation économique et politique (CEPR) ont dévoilé début novembre un rapport intitulé «Le Honduras depuis le coup d'État», soulignant la détérioration des indices sociaux après 2009.

L'entrepreneur Adolfo Facussé, président de l'Association nationale des industries (ANDI), a qualifié de «désastre» la gestion du sortant Porfirio Lobo, faisant même part de son soutien à Mme Castro, malgré son appui au renversement de son mari.

Le futur président devra également gérer la situation dans la vallée de l'Aguan (nord-est), où une centaine de petits paysans ont trouvé la mort depuis quatre ans dans des affrontements avec des milices privées aux ordres de grands propriétaires terriens.

«L'impunité au Honduras est endémique», regrette l'organisation Amnistie Internationale dans un courrier envoyé aux huit candidats pour s'inquiéter des constantes violations des droits de l'homme touchant également journalistes, humanitaires et avocats.

Pour Adan Palacions, «la faiblesse institutionnelle est la cause de tous (les maux). La crise (née) du coup d'État n'est pas résolue», insiste-t-il.

Les 5,4 millions de Honduriens appelés aux urnes dimanche pour cette présidentielle à un tour devront également désigner leurs 128 députés et renouveler les 298 conseils municipaux du pays, sous l'oeil d'observateurs étrangers, notamment envoyés par l'Union européenne.