La présidente argentine Cristina Kirchner, tout juste remise d'une opération chirurgicale, a effectué un profond remaniement ministériel en nommant comme chef du gouvernement un proche et présidentiable, Jorge Capitanich, à deux ans des élections, mais sans changer de cap.

La présidente de centre-gauche, qui achèvera son deuxième et dernier mandat fin 2015, n'a pas encore choisi celui qu'elle souhaite pour successeur, et M. Capitanich, gouverneur de la province de Chaco (nord de l'Argentine) et baron du mouvement politique péroniste que conduit Mme Kirchner, pourrait être l'héritier désigné, selon des experts.

Pour la première fois, note l'éditorialiste de La Nacion Carlos Pagni, le kirchnérisme nomme à ce poste «un poids lourd politique et du péronisme. (...) Il pourrait faciliter l'alliance d'une présidente affaiblie avec les dirigeants provinciaux».

M. Capitanich, 48 ans, a marqué des points lors du scrutin législatif de mi-mandat du 27 octobre dans sa province de Chaco, où le Front pour la victoire (FPV) de Mme Kirchner a réalisé un de ses meilleurs résultats. Le FPV a conservé la majorité dans les deux chambres du parlement, mais il a perdu pied dans les cinq grandes provinces du pays.

En 2002, sous la présidence d'Eduardo Duhalde, alors que le système bancaire venait de s'effondrer, il avait déjà occupé le poste de chef de cabinet, une sorte de chef du gouvernement qui coordonne l'action des ministre en lien avec le chef de l'État.

M. Capitanich, comptable de profession et dont la famille est originaire du Monténégro, est un homme expérimenté, respecté et susceptible d'aspirer à la présidence «s'il survit» à ce poste très exposé, fait remarquer le sociologue Jorge Giacobbe.

«C'est un choix stratégique, il est capable de rassembler les gouverneurs déçus du kirchnérisme, c'est un homme du système, sans être un inconditionnel (de Mme Kirchner)», ajoute le sociologue.

La sociologue Graciela Romer perçoit dans le choix de M. Capitanich, qui a une stature politique supérieure à celle de ses prédécesseurs, une disposition de la présidente à déléguer, alors qu'elle vient de subir une lourde opération visant à retirer un hématome proche du cerveau et d'observer six semaines de convalescence.

Le gouverneur du Chaco est également «une réponse à (l'émergence de Sergio) Massa», un ancien chef de cabinet de Mme Kirchner qui a fait dissidence et est lui aussi un présidentiable. Lors des législatives partielles, M. Massa a largement remporté la province de Buenos Aires, premier réservoir de votes du pays avec 38% de l'électorat.

L'autre figure du remaniement ministériel est Axel Kicillof, un protégé de la présidente, nommé ministre de l'Economie à 42 ans. Ce théoricien de gauche, keynésien, est notamment l'artisan de la nationalisation de la compagnie pétrolière YPF, ex-filiale de l'espagnol Repsol, qui n'a toujours pas obtenu de compensation.

C'est un fervent partisan d'une forte intervention de l'État dans l'économie et du contrôle de l'accès aux devises mis en place en Argentine.

M. Kicillof, jusque là vice-ministre, était déjà considéré comme l'idéologue de la politique économique.

«C'est une réaffirmation du cap économique, c'est clairement un choix anti-marchés», estime Jorge Giacobbe.

Probablement en signe d'apaisement alors que l'inflation atteint 27% en 2013, le nouveau gouverneur de la Banque centrale est un homme respecté par le système financier.

En outre, la présidence a annoncé mardi soir un dernier ajustement, avec la démission du ministre du Commerce Guillermo Moreno, cible de nombreuses critiques après avoir orchestré les mesures de restriction de l'accès aux devises.

Il avait également été décrié pour sa gestion du très controversé Institut national des statistiques, discrédité par les institutions économiques internationales pour ses données considérées comme non fiables.

De son côté, le ministre de l'Economie sortant Hernan Lorenzino a reçu pour mission de solder la dette, à la tête d'une nouvelle structure baptisée Unité exécutive de restructuration de la dette, et deviendra également ambassadeur devant l'Union européenne.

Depuis la crise économique de 2001 et la faillite de l'État, l'Argentine a remboursé 93% de ses créanciers en obtenant d'importantes remises de dette, mais des fonds spéculatifs ont refusé de participer aux plans d'échange de dette de 2005 et 2010 et exigent la totalité des sommes dues.