Ils sont des milliers en République dominicaine. Ce sont des enfants d'immigrés haïtiens qui n'ont jamais connu le pays d'origine de leurs parents. Pour eux, la République dominicaine, c'est la maison. Mais une décision récente du Tribunal constitutionnel dominicain pourrait bien faire en sorte qu'ils seront bientôt déchus de leur nationalité. Le gouvernement fait maintenant face à des accusations de racisme. Quatre mots pour comprendre.

Nationalité

Fin septembre, le Tribunal constitutionnel dominicain a rendu une décision controversée dans le cas d'Ana Maria Belique, une jeune Dominicaine de 27 ans qui voulait faire reconnaître son acte de naissance par les autorités. Ses parents sont des immigrés haïtiens qui sont entrés illégalement au pays, bien que la jeune femme soit née en République dominicaine. «Je ne connais pas Haïti, je n'ai ni famille ni amis là-bas, c'est ici chez moi», a-t-elle déclaré au New York Times. Les autorités n'en ont pas tenu compte, décrétant que tous les enfants nés de parents étrangers depuis 1929 seraient déchus de leur nationalité dominicaine. Entre 250 000 et 450 000 personnes seraient visées par cette décision.

Port-au-Prince

La décision n'arrange en rien les relations parfois houleuses entre les deux pays voisins de l'île d'Hispaniola. Port-au-Prince a rapidement rappelé son ambassadeur en République dominicaine. «Nous avons officiellement exprimé notre préoccupation aux autorités et à leur ambassadeur. Nous sommes totalement en désaccord avec cette décision, car si elle devait être appliquée, elle aurait de graves conséquences sur des citoyens dominicains d'ascendance haïtienne», a déclaré le ministre haïtien des Affaires étrangères, Pierre-Richard Casimir.

ONU

L'Organisation des Nations unies a aussi fait part de ses inquiétudes. «La décision pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les descendants d'Haïtiens en République dominicaine, plongeant des dizaines de milliers d'entre eux dans un vide constitutionnel qui en ferait des apatrides privés d'accès aux services de base», a souligné le Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Selon Jabeur Fathally, professeur en droit civil à l'Université d'Ottawa, cette décision pourrait poser problème en vertu du droit international. «La décision pourrait contrevenir à la Convention sur le droit des apatrides, signée par la République dominicaine en 1961.»

Racisme

En entrevue hier à la BBC, l'ambassadeur de la République dominicaine en Grande-Bretagne a repoussé les accusations de racisme. Federico Cuello Camilo affirme que son gouvernement cherche à régulariser la situation des immigrants illégaux dans son pays. «Il n'y aura pas de déportation massive», a-t-il affirmé, ajoutant que les immigrés illégaux auront droit à des papiers temporaires le temps d'officialiser leur situation. Jabeur Fathally reconnaît que chaque pays a la prérogative de fixer ses balises en matière de nationalisation, mais ce principe n'est pas illimité. «La rétroactivité de la décision dominicaine est très large, alors qu'en principe, une telle mesure doit être limitée dans le temps», dit-il.

- Avec The New York Times et la BBC