Les Nations unies ont exhorté mardi les autorités chiliennes à cesser d'invoquer la loi anti-terroriste, un lourd arsenal pénal datant de la dictature, à l'encontre de la communauté Mapuche qui revendique des terres prises par l'État au 19e siècle.

«Je recommande aujourd'hui que cesse tout usage de la législation anti-terroriste au sujet des revendications territoriales mapuches», a déclaré le rapporteur spécial de l'ONU sur la protection des droits de l'homme dans la lutte anti-terroriste, Ben Emmerson, au terme d'une visite à Santiago.

Selon l'expert en droit international, cette législation «a été utilisée comme mode de discrimination contre» cette minorité indigène. «Elle a été appliquée de manière confuse, débouchant sur une véritable injustice, elle a altéré le droit à un procès équitable et a été perçue comme stigmatisante», a estimé M. Emmerson.

La loi anti-terroriste, qui date de la dictature de Augusto Pinochet (1973-1990), prévoit des peines beaucoup plus sévères que la législation ordinaire et soumet les accusés à des conditions de défense rendues difficiles par l'allongement de la détention préventive et le recours à des témoins anonymes.

Cette loi a été fréquemment invoquée ces dernières décennies contre les Mapuches, première minorité indigène du pays (700 000 personnes, soit environ 6% de la population chilienne) qui réclame la restitution de terres «ancestrales» prises par l'État à la fin du 19e siècle dans leur fief de la région de l'Araucanie, dans le sud chilien. Aujourd'hui ces terres appartiennent à de grands groupes forestiers.

L'Araucanie connaît des phases de tension récurrente depuis la radicalisation, il y a dix ans environ, du mouvement mapuche, avec des occupations de terres et des sabotages d'engins forestiers. Au moins 13 Mapuches ont trouvé la mort dans le cadre de ces actions ces dernières années.

Devant la presse, M. Emmerson a également demandé aux autorités chiliennes la mise en place d'une «stratégie nationale» et la création rapide d'une Commission consultative nationale pour régler le conflit mapuche et ne pas s'exposer à une «violence généralisée» dans le sud du pays.

Enfin, le juriste onusien a demandé aux autorités d'enquêter sur des exactions policières passées contre cette communauté. Il a notamment mentionné la mort d'un jeune Mapuche tué par des tirs policiers en 2008, pour laquelle un agent a été condamné à trois ans de prison sans jamais purger sa peine.