Une cinquantaine de routes du Brésil ont été bloquées et les transports en commun partiellement paralysés jeudi à l'appel des centrales syndicales dans le cadre d'une «journée nationale de luttes» avec plusieurs manifestations dans l'ensemble pacifiques, les premières depuis la fronde sociale qui a secoué le pays en juin.

Une centaine de manifestants masqués et vêtus de noir se sont heurtés à la police à la tombée de la nuit à Rio, après avoir lancé des cocktails Molotov et des feux de Bengale sur les policiers qui les ont repoussés par de nombreux tirs de gaz lacrymogènes, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Le groupe masqué a provoqué des heurts avec la police dans une rue parallèle au cortège et est venu se réfugier dans le défilé pacifique où les dirigeants des syndicats appelaient au calme et chantaient l'hymne national.

En raison de la situation, la manifestation a été dispersée avant d'arriver à sa destination. Au moins 12 personnes, dont deux mineurs, ont été interpellées et conduites au poste.

À Sao Paulo, des heurts moins violents qu'à Rio ont éclaté en soirée entre manifestants et policiers, lorsque quelque 1500 protestataires ont dressé des barricades pour bloquer une autoroute.

Les cinq grands syndicats ont manifesté côte à côte pour la première fois et ont réclamé la réduction de la semaine de travail à 40 heures (contre 44 heures aujourd'hui) notamment. Ils ont repris aussi certaines des revendications des manifestations de juin, qui se voulaient «apolitiques», comme l'amélioration des services publics et plus d'investissements dans l'éducation.

Contrairement aux manifestations de juin, convoquées à travers les réseaux sociaux, et qui avaient fait descendre dans la rue plus d'un million de jeunes rejetant en bloc les partis politiques, jeudi les travailleurs défilaient derrière les bannières de leurs organisations ou partis.

Les syndicats tentaient de récupérer les «sans partis», mais le mouvement a réuni bien moins de monde qu'en juin.

Jeudi, les syndicats étaient divisés quant à leur soutien au gouvernement de la présidente de gauche Dilma Rousseff, certains affichant leur opposition comme Force syndicale (FS), réclamant «un changement dans l'équipe économique».

Les manifestations les plus importantes ont eu lieu à Sao Paulo, mégapole de 20 millions d'habitants où 29 terminaux d'autobus ont été bloqués, mais trains et métros ont fonctionné normalement.

Parmi les manifestants de l'avenue Paulista, la principale de Sao Paulo, Rosely Paschetti, 49 ans, brandissait une banderole avec l'inscription «plus d'impôts pour les riches, moins pour les pauvres».

«Je suis employée municipale à Sao Paulo et je suis là parce qu'il y a une crise dans les secteurs de la santé et l'éducation. Il faut changer cela», dit-elle à l'AFP.

À Sao José dos Campos, où se trouve le siège de l'avionneur Embraer, 15 000 métallurgistes ont manifesté.

Dans d'autres grandes villes comme à Salvador de Bahia, Porto Alegre, Belo Horizonte, Brasilia, Curitiba, Florianopolis ou Manaus, plusieurs écoles ont fermé leurs portes et certains hôpitaux ne traitaient que les urgences.

Une grève des débardeurs du port de Santos, près de Sao Paulo, le plus grand d'Amérique latine, qui a paralysé provisoirement mercredi toutes ses activités, s'est poursuivie jeudi.

À Rio de Janeiro, les transports en commun ont fonctionné normalement à l'appel des syndicats, l'objectif étant de permettre à la population de venir manifester.

Seule la Centrale unique des travailleurs (CUT), le plus important des syndicats, défendait le référendum pour une grande réforme politique voulue par la présidente en réponse à la rue.

Ailleurs en Amérique latine, une autre mobilisation syndicale et étudiante réunissait entre 15 500 personnes, selon la police, et 150 000 personnes à Santiago du Chili pour réclamer des améliorations des conditions de travail, à quatre mois de l'élection présidentielle, nouvelle preuve selon des analystes de la contestation de l'héritage libéral de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990).