Le gouvernement colombien et la guérilla des FARC ont annoncé à La Havane être parvenus à un accord sur la question agraire, un premier pas crucial pour tenter de résoudre enfin le plus vieux conflit d'Amérique latine.

Ce thème était le premier point, et l'un des plus importants, à l'ordre du jour des pourparlers de paix qui se tiennent depuis des mois à Cuba entre la guérilla marxiste et le gouvernement de Bogota.

La question du développement rural était en effet à l'origine même de la création de la guérilla, il y a 49 ans, à l'issue d'une insurrection paysanne, dans ce pays où la moitié des terres est aux mains d'à peine 1 % de la population.

Et même si les FARC ont tout de même souligné que cet accord ne serait valable qu'à condition qu'il y ait accord «sur l'ensemble des points de l'ordre du jour», qui en compte cinq, tout le monde se félicitait dimanche soir de ce premier pas important.

«L'accord (sur le développement rural) a pour objectif de remédier aux conséquences du conflit et de dédommager les victimes de spoliations et de déplacements forcés», a indiqué en présence des délégations des deux parties le diplomate cubain Carlos Fernández de Cossío, dont le pays, avec la Norvège, est garant des pourparlers.

«Nous nous réjouissons, vraiment, de ce pas fondamental à La Havane vers un accord qui mettra fin à un demi-siècle de conflit», a écrit de son côté le président colombien Juan Manuel Santos dans un message diffusé sur Twitter.

L'accord porte sur «l'accès et l'usage de la terre, les terres improductives, la régularisation de la propriété, la délimitation des terres agricoles et la protection des zones de réserve», selon le communiqué commun signé par M. Fernandez de Cossío et le représentant du gouvernement de la Norvège Dag Nylander.

Le négociateur en chef des FARC, Ivan Marquez, a déclaré qu'il restait des détails à régler sur la question agraire qui seront abordés par les parties en présence au cours de discussions ultérieures.

«Nous avons avancé dans l'élaboration d'un accord, avec des réserves ponctuelles, qui seront réexaminées avant la concrétisation finale d'un accord», a déclaré M. Marquez, numéro deux des FARC.

M. Marquez avait récemment jugé, à l'issue de six mois de négociations à Cuba, que les principales revendications des FARC, création de réserves paysannes autonomes, répartition de terres inexploitées, avaient été entendues.

Les FARC et les représentants du gouvernement sont parvenus à un consensus sur des thèmes comme des programmes pour le développement social, la santé, l'éducation, la lutte contre la pauvreté, selon le communiqué commun.

L'accord porte également sur l'encouragement des activités agro-pastorales, de l'économie solidaire et des coopératives, les crédits, le commerce et les programmes alimentaires.

Mais les FARC ont souligné que ce n'était qu'un premier pas.

«Les accords que nous sommes en train de construire ne seront valables qu'à condition de parvenir à un accord sur l'ensemble des points de l'ordre du jour», souligne leur communiqué, qui note que les pourparlers se déroulent avec pour principe qu'«il n'y a pas d'accord sur un point tant qu'il n'y a pas d'accord sur tous les points».

Après le thème rural, les négociations, entamées le 19 novembre dernier et dont le dixième round débutera le 11 juin, doivent aborder l'un des points les plus épineux, les garanties judiciaires offertes aux guérilléros pour participer à la vie politique sans passer par la prison. Selon le gouvernement, les FARC comptent actuellement 8000 combattants.

Le négociateur en chef du gouvernement, l'ex-vice-président Humberto de la Calle, a défendu l'idée d'une «justice transitionnelle», permettant une suspension de peine, en échange d'aveux et de réparation aux victimes, un dispositif prévu par une réforme constitutionnelle adoptée l'an dernier.

L'agenda des négociations s'achèvera avec la question des cultures illicites - les autorités accusant les FARC de se livrer au trafic de cocaïne, dont la Colombie est le premier producteur mondial -, l'abandon de la lutte armée, et la réparation aux victimes.

En un demi-siècle, les affrontements ont opposé l'armée, des guérillas communistes, des milices paramilitaires d'extrême droite officiellement démobilisées depuis 2006, ainsi que des bandes criminelles pour un bilan officiel de 600 000 morts, 15 000 disparus et près de quatre millions de déplacés.