La Colombie semble se diriger vers une dépénalisation totale des consommateurs de drogue, une proposition émise dans rapport officiel, qui constituerait une révolution pour le premier pays producteur de cocaïne au monde.

L'idée n'est pas nouvelle mais cette fois la piste se précise, car elle émane de la «Commission de conseil pour la politique sur les drogues en Colombie», un organisme créé cette année par le gouvernement pour alimenter une future réforme.

«Les politiques publiques face à la consommation de drogues ne doivent pas recourir à des sanctions pénales des consommateurs», a conclu cette commission, composée d'une dizaine d'experts, qui recommande la prise en charge des consommateurs par le système de santé public.

Son premier rapport, présenté mardi à Bogota une semaine après la remise d'une étude de l'Organisation des États-Américains (OEA) allant dans ce sens, affirme que «la criminalisation des consommateurs n'a non seulement pas montré de résultats en terme de santé publique», mais «a, au contraire, eu des effets contre-productifs».

«De nombreux consommateurs ne posent pas de problèmes, il ne commettent pas de crimes, ils ne volent pas pour trouver de la drogue, et ces personnes ne vont plus être poursuivis par le gouvernement», a déclaré Daniel Mejia, président de la commission, dans un entretien à l'AFP.

Directeur du Centre d'étude sur la sécurité et les drogue à l'Université des Andes de Bogota, ce dernier assure qu'emprisonner les consommateurs revient à les «mettre dans l'école du crime», les «sortir du marché du travail» et les «stigmatiser pour l'avenir».

«Le consommateur de drogue doit être traité comme une question de santé publique avec des outils de santé publique pour lutter contre la consommation, non des outils de politique pénale» et «le travail de la police concerne en priorité les vrais criminels», souligne-t-il.

Selon lui, les autorités ont déjà montré une «grande ouverture» envers cette proposition qui «respecte les conventions des Nations Unies» sur la lutte contre la trafic de drogue.

La ministre colombienne de la Justice, Ruth Stella Correa, a admis que le rapport constituait un «apport essentiel» pour le gouvernement.

Jusqu'à présent, la législation colombienne n'autorise, depuis 1994, que la possession d'une «dose minimum» de 20 grammes de marijuana et d'un gramme de cocaïne.

La réforme de la politique en matière de drogue est l'un des chevaux de bataille du président Juan Manuel Santos qui préconise une nouvelle orientation dans la lutte mondiale contre le narcotrafic, à l'instar de plusieurs homologues latino-américains.

Sur 46 millions d'habitants, la Colombie compte quelque 450.000 consommateurs de marihuana, 140.000 de cocaïne, 34.000 de «bazuko» (un dérivé bon marché de la cocaïne), 31.000 d'ecstasy et 3.000 d'héroïne, selon la dernière étude officielle publiée en 2008.

La Commission a insisté sur l'importance des «traitements préventifs», y compris l'administration de drogues sous contrôle médical.

L'objectif est de «réduire la complexité et le coût des traitements» et mettre en place une «détection précoce», a précisé Ines Elvira, conseillère au sein du ministère de la Santé, assurant que les «consommateurs chroniques» constituent une «minorité» et que l'addiction varie en fonction des drogues.

L'an dernier, Gustavo Petro, le maire de Bogota a inauguré des centres expérimentaux proposant des drogues de substitution et proposé d'utiliser les saisies de drogue effectuées par la police pour l'administrer à des toxicomanes.

Invité d'honneur de la commission, l'ex-président colombien Cesar Gaviria assure ainsi qu'il faut suivre l'«exemple des pays européens» et «sortir les consommateurs des griffes des trafiquants».

L'ancien chef d'État a aussi appelé à un «changement de mentalité», évoquant une étude selon laquelle les Colombiens confessaient «préférer avoir pour voisin un trafiquant de drogue plutôt qu'un drogué».