La paix est-elle sur de bons rails en Colombie? Après six mois de négociations, le gouvernement et la guérilla des Farc assurent avoir progressé, même si la perspective d'un accord rapide pour résoudre le plus vieux conflit d'Amérique latine s'éloigne.

Aucun incident majeur n'a interrompu les pourparlers, qui se déroulent depuis novembre à Cuba, entre les représentants du président Juan Manuel Santos et de la rébellion marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).

Les deux camps devraient conclure bientôt le premier chapitre de la feuille de route, celui du développement rural, point à l'origine même de la création de la guérilla, il y a 49 ans, à l'issue d'une insurrection paysanne, dans ce pays où la moitié des terres est aux mains d'à peine 1% de la population.

«Le bilan de ces six mois est positif, même si le processus pourrait aller plus vite. Le premier point est quasiment bouclé», affirme à l'AFP Ariel Avila, spécialiste du conflit au sein de la Fondation Paix et réconciliation.

Créations de réserves paysannes autonomes, répartition de terres inexploitées: les Farc, qui comptent encore selon les autorités quelque 8000 combattants, estiment que leurs revendications ont été entendues. La guérilla s'est dite «optimiste» pour boucler un premier cycle de discussion avec des «annonces» en mai.

«Nous sommes satisfaits et je ne comprends pas pourquoi certains disent que le rythme est lent», s'est récemment félicité depuis La Havane le délégué des Farc, Ivan Marquez, numéro deux du mouvement, rappelant qu'une «paix bâclée est pire que la guerre».

Le président Santos, qui avait initialement fixé à novembre prochain la date-butoir pour un accord, s'inscrit désormais plus dans la durée, en évoquant pour la première fois la semaine dernière la possibilité de se représenter à l'élection de 2014.

«Je ne veux pas que les changements très positifs et profonds que nous sommes en train de réaliser restent à la moitié du chemin», a justifié le chef de l'État, un dirigeant de centre droit élu en 2010.

«Avec la campagne électorale, les négociations peuvent s'échauffer un peu, mais ce ne sera pas un obstacle», affirme M. Avila, observant que même les Farc ont reconnu que M. Santos était «dans son plein droit» en affichant cette ambition.

Populaire pour sa politique de fermeté envers la guérilla, l'ancien président Alvaro Uribe, accusant de «trahison» son successeur et ex-dauphin, a pris la tête de l'opposition aux négociations, mais il n'a pas «réussi à torpiller le processus malgré une capacité de nuisance incontestable», constate encore l'expert, qui considère M. Santos comme grand favori pour l'élection.

Après le thème rural, les négociations doivent aborder l'un des points les plus épineux, les garanties judiciaires offertes aux guérilleros pour participer à la vie politique sans passer par la prison.

Le négociateur en chef du gouvernement, l'ex-vice-président Humberto de la Calle, a défendu l'idée d'une «justice transitionnelle», permettant une suspension de peine, en échange d'aveux et de réparation aux victimes, un dispositif prévu par une réforme constitutionnelle adoptée l'an dernier.

L'agenda des négociations s'achèvera avec la question des cultures illicites, les autorités accusant les Farc de se livrer au trafic de cocaïne, dont la Colombie est le premier producteur mondial, l'abandon de la lutte armée, et la réparation des victimes.

En un demi-siècle, les affrontements ont opposé l'armée, des guérillas communistes, des milices paramilitaires d'extrême droite officiellement démobilisées depuis 2006, ainsi que des bandes criminelles pour un bilan officiel de 600 000 morts, 15 000 disparus et près de quatre millions de déplacés.

En l'absence de cessez-le-feu, option exclue par M. Santos afin de maintenir la pression sur les rebelles, la liste des victimes continue de s'allonger: au moins 33 guérilleros et 14 soldats ont été tués depuis novembre selon un décompte de l'AFP.

Mais la poursuite des hostilités ne menace pas les négociations. «Il n'y aura pas de trêve, mais cela ne devrait pas perturber le processus», estime M. Avila, en rappelant que les Farc n'ont pas réagi à la mort d'un de leurs chefs, abattu début mai dans le sud-ouest du pays.