La justice vénézuélienne a écarté mercredi tout décompte manuel des bulletins de vote, mettant sous pression l'opposition qui conteste la victoire à la présidentielle de Nicolas Maduro, dont l'élection bénéficie d'un soutien international croissant, à l'exception notable des États-Unis.

Battu d'une courte tête dimanche, le gouverneur de l'État de Miranda (nord), Henrique Capriles, avait lancé une mobilisation pour réclamer un comptage manuel des bulletins de vote, provoquant une importante crise politique, émaillée de manifestations meurtrières.

Mais le tribunal suprême de justice (TSJ, plus haute instance judiciaire) a tranché mercredi en jugeant «impossible» cette demande, rappelant que «le processus manuel pour les élections a été supprimé» dans la Constitution et que le système électoral était «totalement automatisé».

«Les gens qui ont cru qu'un tel comptage aurait pu être réalisé ont été trompés», a affirmé la présidente du TSJ, Luisa Estela Morales, déplorant que certains aient été «incités à lancer une bataille sans fin dans les rues», lors d'une conférence de presse.

Cette annonce constitue un coup dur pour le candidat de l'opposition, qui réclamait le comptage des bulletins émis par les machines de vote électronique, alors que les troupes du président élu ont intensifié la pression avec des rassemblements populaires dans le pays.

Héritier du défunt dirigeant socialiste Hugo Chavez, M. Maduro, dont la victoire reste contestée par l'opposition, doit se réunir avec les gouverneurs du pays pour afficher son autorité.

«J'appelle le peuple à isoler les fascistes et les violents où qu'ils soient et la justice à punir les crimes et les destructions. Paix, paix», a écrit le président élu mercredi sur Twitter.

Quelque 200 fidèles «chavistes», revêtus de chemises rouges, ont manifesté devant la résidence du gouverneur Capriles, à Los Teques, capitale de l'État de Miranda, a constaté l'AFP.

«Cet État ne mérite pas un gouverneur de ce genre, qui incite à la violence et ne fait rien», a lancé à l'AFP Arelys Gomez, une femme au foyer de 46 ans, patronne locale du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), le parti du pouvoir.

«Que tout le monde reste calme, que personne ne tombe dans les provocations des partisans du gouvernement», a réagi M. Capriles, dans un message publié sur Twitter.

Après les violences survenues dans le pays, le chef de l'opposition a annulé un rassemblement mercredi devant le siège du Conseil national électoral (CNE).

Une place symbolique qu'ont finalement investi plusieurs centaines de sympathisants de M. Maduro, convoqués à un «concert pour la paix et la vie», entrecoupé de discours de Hugo Chavez.

Le point d'orgue de la mobilisation «chaviste» doit intervenir vendredi au cours de l'investiture du nouveau président à Caracas. Les autorités ont annoncé qu'au moins 15 pays enverraient une délégation de «haut niveau».

L'élection de M. Maduro a déjà été saluée par la quasi-totalité des pays d'Amérique latine, mais les États-Unis ont appuyé la demande d'un nouveau comptage des suffrages.

«Nous pensons qu'il doit y avoir un nouveau comptage des votes», a déclaré mercredi le secrétaire d'État John Kerry , tandis que la Maison-Blanche a appelé le gouvernement de Caracas à «respecter les droits des Vénézuéliens à se rassembler pacifiquement et à s'exprimer».

Mais la reconnaissance de l'élection de M. Maduro gagne du terrain à l'étranger.

Nouveau soutien de taille, l'Espagne a également reconnu mardi soir son élection, après quelques jours de tensions diplomatiques, tandis que la France a «pris acte» mercredi de sa victoire, en rappelant que le Conseil national électoral était «l'autorité compétente».

L'Union européenne a aussi «pris note» mercredi de l'annonce de l'élection de M. Maduro, tout en soulignant que les recours déposés par l'opposition devaient être pris en compte.

«Il est important que le résultat de l'élection puisse être accepté par tous et que les recours soient dûment examinés par les autorités compétentes du Venezuela», a insisté la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton.

De son côté, l'Organisation des États américains (OEA) a fait état de sa «profonde inquiétude» pour les violences dont l'opposition et le pouvoir se sont mutuellement accusés.

Depuis le début de la crise, les autorités vénézuéliennes ont annoncé avoir procédé à l'arrestation de plus de 130 personnes.

Le gouvernement n'a pas exclu que M. Capriles soit lui-même l'objet d'une enquête, le président de l'Assemblée nationale, Diosdado Cabello, s'étant engagé en faveur de l'ouverture d'une «enquête pénale» à son encontre.

En attendant un dénouement à la crise, les manifestations semblent avoir pris une tournure plus pacifique:  des «feux d'artifice révolutionnaires» répondent désormais aux «concerts de casseroles», devenus le signe de ralliement de l'opposition.