Un mois après la mort de Hugo Chavez, son dauphin Nicolas Maduro a été proclamé lundi président du Venezuela, ouvrant une crise politique avec l'opposition qui a appelé à des manifestations dans le pays afin d'obtenir un nouveau comptage des bulletins de vote.

Le Conseil national électoral (CNE) a officialisé l'élection de M. Maduro, 50 ans, déclaré vainqueur avec 50,75% des voix contre 48,97% pour Henrique Capriles, 40 ans, le gouverneur de l'État de Miranda, soit environ 265 000 voix d'avance sur 19 millions d'inscrits, le reste étant réparti entre des candidatures mineures.

«Je suis le premier président "chaviste"» et «je vais poursuivre pleinement son héritage pour la défense des pauvres et la défense de l'indépendance», a lancé le président élu, en costume-cravate et la main sur le coeur, lors d'une cérémonie solennel, au siège de l'autorité électorale à Caracas.

«Nous avons un président!» ou encore «Chavez vit, la lutte continue», a scandé l'assistance.

La présidente du CNE Tibisay Lucena a rappelé à l'opposition qu'elle devait «utiliser la voie légale» et non des «menaces», citant le cas du duel serré entre Georges W. Bush et Al Gore, lors de la présidentielle américaine de 2000, dont l'issue s'était décidée devant la Cour suprême.

Qualifiant son adversaire de «président illégitime», M. Capriles avait exhorté le CNE à ne pas procéder à cette proclamation, avant de recompter «vote par vote» les suffrages.

Après l'annonce du CNE, ses partisans ont commencé à organiser des concerts de casseroles, répondant à la consigne du chef de l'opposition. «Qu'on l'entende dans le monde entier», avait-il déclaré.

M. Capriles entend aussi organiser mardi matin des manifestations pacifiques devant le bureau de l'autorité électorale à Caracas et «dans tout le pays».

Autant de manifestations synonymes d'une volonté de coup d'État déguisée, selon le camp gouvernemental.

«Ce qui se cache derrières les paroles d'aujourd'hui, M. Capriles, c'est une convocation à un putsch contre l'Etat, les institutions, la démocratie de ce pays», a lancé Jorge Rodriguez, le chef de campagne de M. Maduro, un terme repris ensuite par le président élu.

Pour sa part, la Maison Blanche a estimé par la voix de son porte-parole qu'un nouveau comptage serait une étape «importante, prudente et nécessaire». Idem pour José Miguel Insulza, secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), qui s'est prononcé en faveur d'un «dialogue national».

La mission d'observateurs envoyés par l'Union de nations sud-américaines (UNASUR) au Venezuela a, quant à elle, demandé que soient «respectés les résultats» émanant du CNE, «unique autorité compétente» en matière électorale.

«Nous voulons un nouveau comptage des suffrages pour aller de l'avant, pour être sûrs que nous avons perdu», a déclaré à l'AFP Oswaldo Gomez, un comptable de 56 ans, à Caracas où le sujet alimentait toutes les conversations dans les rues.

Maduro «n'a pas le leadership de Chavez. Il ne tiendra pas un an», a prédit Maria Rodriguez, un vendeur de journaux de 48 ans.

«C'est une situation très délicate. La marge est tellement étroite dans un pays qui est extrêmement divisé que cela va être difficile à digérer politiquement. Il est clairement divisé en deux», a dit à l'AFP le politologue Ignacio Avalo.

Dans ce contexte, le nouveau président peut aussi redouter la convocation d'un référendum révocatoire dans les trois ans. Il suffit à ses détracteurs de réunir 20% de l'électorat sur une motion de défiance pour pouvoir organiser ce vote.

«Beaucoup de personnes ont retourné leur veste, des sales types sans aucune reconnaissance. Ils disent qu'ils sont dans la révolution, mais ce sont des mensonges», pestait lundi Elisabeth Torres, 48 ans, dans le quartier du «23 de enero», un bastion «chaviste».

Pour de nombreux fidèles, l'élection de M. Maduro est garante du maintien des «missions» créés par le défunt charismatique dirigeant socialiste, des programmes sociaux financés par la manne pétrolière du Venezuela, détenteur des plus grandes réserves de brut du monde.

Un engagement, qui s'annonce toutefois difficile à tenir dans une économie en crise avec une dette égale à la moitié du PIB et une inflation de plus de 20%, un record en Amérique latine.

Dans le sillage des alliés traditionnels de Venezuela, le Brésil a félicité M. Maduro, après le président cubain Raul Castro, dont le régime bénéficie de l'envoi de barils de pétrole, et de ses homologues argentin Cristina Kirchner, équatorien Rafael Correa ou encore bolivien Evo Morales.

Autres dirigeants aux relations conflictuelles avec les États-Unis, le président russe Vladimir Poutine a quant à lui annoncé un renforcement de «son partenariat stratégique» avec Caracas, tandis que celui du Belarus Alexandre Loukachenko, un ami personnel de M. Chavez, a invité M. Maduro à lui rendre visite.