Le nouvel homme fort du Venezuela Nicolas Maduro a prêté serment vendredi soir comme président par intérim et demandé la convocation «immédiate» d'une élection présidentielle lors d'une cérémonie boycottée par l'opposition, sitôt tombé le rideau sur les funérailles d'État de son mentor Hugo Chavez.

La trêve politique consécutive au décès, mardi à Caracas, du président Chavez, n'aura pas duré longtemps.

Le chef de file de la principale coalition d'opposition Henrique Capriles a accusé le pouvoir de gauche bolivarien «d'abus de pouvoir», qualifiant de «fraude constitutionnelle» la prise de fonction de M. Maduro.

Le principal groupe parlementaire de l'opposition avait annoncé plus tôt qu'il boycotterait la cérémonie de prestation de serment.

«J'ai officiellement demandé à la présidente» du Conseil électoral national (CNE), Tibisay Lucena, de «convoquer immédiatement l'élection présidentielle», a déclaré M. Maduro.

«Le jour où ils nous convoqueront, nous serons prêts pour aller aux élections, nous sommes sûrs de nous, nous sommes sûrs de la démocratie vénézuélienne», a-t-il ajouté.

Après avoir juré de protéger et faire respecter la Constitution, il a pris sa première décision politique en nommant au poste de vice-président de la République le ministre des Sciences Jorge Arreaza, gendre de Hugo Chavez.

Époux de Rosa Virginia, fille aînée de Hugo Chavez, M. Arreaza a gagné en visibilité au cours de derniers mois de la maladie du président.

Le Tribunal suprême de justice vénézuélien avait jugé dans la matinée que le numéro 2 du régime pouvait prêter serment comme président par intérim et se présenter à la prochaine présidentielle.

Le 11 décembre, avant de s'envoler pour Cuba pour une quatrième opération du cancer dont il ne s'est jamais remis, Hugo Chavez avait désigné Nicolas Maduro, 50 ans, comme le candidat du parti au pouvoir en cas de malheur.

M. Maduro a expliqué devant les députés qu'Hugo Chavez avait «l'intuition qu'il ne sortirait pas vivant de ce mauvais pas», quelques jours avant sa dernière intervention chirurgicale à Cuba en décembre dernier.

Quelques heures avant que la politique ne revienne au premier plan, le Venezuela avait célébré en grande pompe les funérailles d'État du président Hugo Chavez, en présence de 32 chefs d'État et de gouvernement étrangers, dont le Cubain Raul Castro et l'Iranien Mahmoud Ahmadenijad.

Lors des funérailles, M. Maduro a promis loyauté «au-delà de la mort» au «président-comandante», et de poursuivre son «combat pour les pauvres, l'éducation et un monde plus juste», dans un discours lyrique d'une demi-heure qui a conclu la cérémonie.

Celle-ci avait débuté par un roulement de tambour et l'interprétation par l'Orchestre symphonique Simon Bolivar de l'hymne national vénézuélien.

Les chefs d'État et de gouvernement ont été invités par petits groupes à former des haies d'honneur successives autour du cercueil de Chavez entièrement recouvert du drapeau jaune, bleu et rouge étoilé du Venezuela.

La première était réservée aux plus proches alliés latino-américains, dont le Cubain Raul Castro, le Bolivien Evo Morales et l'Équatorien Rafael Correa.

Un peu plus tard, ce fut au tour remarqué de deux des alliés les plus controversés du régime chaviste: Le Bélarusse Alexandre Loukachenko, et l'Iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui a semblé réprimer des larmes et réciter une prière entre ses lèvres.

Les États unis, cible de prédilection des diatribes enflammées d'Hugo Chavez, et les Européens n'ont envoyé que des délégations de second rang. À l'exception de l'Espagne, qui, protocole oblige, a dépêché le prince héritier Felipe.

M. Maduro a souhaité la «bienvenue» aux envoyés du président américain Barack Obama, tout en soulignant que le Venezuela voulait «un monde de coopération, sans empires».

Une messe de funérailles a ensuite été célébrée, à l'issue de laquelle le révérend noir américain Jesse Jackson a rendu hommage au charismatique leader vénézuélien.

À l'extérieur de l'Académie, des milliers de «chavistes» vêtus de rouge, canalisés par des barrières métalliques et des militaires, attendaient de pouvoir reprendre leur procession vers la dépouille d'Hugo Chavez, sous une chaleur accablante.

La journée avait été déclarée fériée au Venezuela et l'alcool interdit à la vente pendant une semaine.

La dépouille du président Chavez, qui sera visible encore une semaine, a été vénérée par deux millions de partisans depuis mercredi selon les autorités.

Embaumé «comme Lénine», le leader sud-américain sera plus tard exposé dans un cercueil de verre au futur Musée de la révolution bolivarienne, dans une ancienne caserne, où pourra se poursuivre un culte de la personnalité savamment orchestré de son vivant, et maintenant à titre posthume.

Hugo Chavez avait forgé sa popularité dans les couches défavorisées grâce à des programmes sociaux financés par une manne pétrolière infinie, et grâce à son charisme exubérant.

Mais il a aussi fortement creusé les clivages de la société vénézuélienne, stigmatisant l'opposition et la presse privée, sans parvenir à endiguer les pénuries et une violence urbaine croissante.