Des milliers de Vénézuéliens défilaient jeudi devant la dépouille d'Hugo Chavez, décédé mardi d'un cancer, pour apercevoir une dernière fois le visage du défunt dans une chapelle ardente de l'Académie militaire de Caracas, avant des funérailles nationales vendredi.

«Il est ici, mais mon commandant est immortel», a affirmé à l'AFP Saul Mantano, un vendeur de 49 ans paré d'une casquette à l'effigie du président défunt et d'un drapeau vénézuélien, l'un des premiers à avoir pu voir le cercueil, exposé dans le salon d'honneur Simon Bolivar de l'Académie. «Je ne voulais pas le voir mort, et pourtant c'est la réalité», a-t-il ajouté, visiblement affecté.

Une file d'attente de plusieurs kilomètres s'est formée dès mercredi soir devant l'Académie militaire, lieu symbolique où s'est forgée la vocation politique du président défunt, un militaire de carrière. Certains ont dû attendre plus de 9 heures pour passer un bref instant devant le «comandante». Près du cercueil, se trouvaient les fidèles du président - le vice-président Nicolas Maduro, successeur désigné de Hugo Chavez et le président de l'Assemblée nationale Diosdado Cabello, président de l'exécutif - ainsi qu'Elena Frias, mère du défunt, accompagnée de ses quatre frères.

La télévision publique, qui retransmet l'évènement en direct, montre des images du cercueil à demi-ouvert, en partie recouvert du drapeau du Venezuela, mais sans filmer directement le visage du président, décédé à 58 ans des suites d'un cancer après 14 ans au pouvoir.

Un journaliste de l'AFP a pu constater que le défunt, protégé par une vitre, présente une expression sereine et est vêtu d'un costume vert olive et de son fameux béret rouge.

Face au cercueil, c'est un défilé incessant mené à un rythme soutenu. La plupart s'arrêtent à peine. Certains font un bref signe de croix, effleurent le cercueil ou s'approchent de la vitre pour mieux voir le président. Les saluts militaires sont nombreux. Un haut-parleur invite les visiteurs à ne prendre aucune photographie.

Des centaines de fonctionnaires et membres du parti socialiste au pouvoir ont pu saluer leur dirigeant mercredi en fin de journée, avant que la chapelle ardente ne soit ouverte au public 24 heures sur 24 depuis 21 h 30 locales (21 h à Montréal) et jusqu'aux funérailles nationales. Les chefs d'État argentin (Cristina Kirchner), uruguayen (José Mujica) et bolivien (Evo Morales) ont également pu se recueillir devant sa dépouille.

«J'ai trouvé son visage beau. Nous nous souviendrons de lui comme il était, comme il vivait», a témoigné Yelitze Santaella, gouverneure de l'État de Monagas (nord-est).

Ses funérailles sont prévues vendredi à partir de 10 h (10 h 30 à Montréal) dans un lieu encore inconnu et en présence de nombreux chefs d'État. Parmi les présidents attendus figurent notamment l'Iranien Mahmoud Ahmadinejad, la Brésilienne Dilma Rousseff, le Péruvien Ollanta Humala, l'Équatorien Rafael Correa, le Nicaraguayen Daniel Ortega, ou encore le Mexicain Enrique Peña Nieto et le Chilien Sebastian Piñera. Plusieurs d'entre eux ont décrété un deuil national dans leurs pays respectifs, comme au Pérou, en Équateur, au Nicaragua, à Cuba, au Chili, au Brésil, ou en Haïti.

Mercredi, la dépouille du président Chavez a été transférée de l'hôpital militaire où il est décédé jusqu'à l'Académie miliaire, escortée par les bérets rouges de la garde d'honneur présidentielle, après un parcours de sept heures à travers les rues de la capitale. Durant toute la procession, sous un soleil de plomb, le convoi a été entouré par une marée humaine de plusieurs centaines de milliers de personnes, dont bon nombre vêtues de rouge, la couleur des «chavistes».

Dans la nuit, à l'extérieur de la chapelle ardente, des milliers de partisans du leader bolivarien, seuls ou en famille, attendaient leur tour, épuisés par la faim, la soif, la journée entière passée à suivre le cortège par une chaleur étouffante. «Nous voulons voir Chavez!», criaient certains. Autour, la circulation était totalement congestionnée et des dizaines de bus ayant acheminé des partisans venus de tout le pays étaient stationnés anarchiquement.

Hugo Chavez luttait depuis juin 2011 contre un cancer dans la zone pelvienne. Après plus de deux mois d'hospitalisation à Cuba, il était rentré inopinément à Caracas le 18 février, mais n'avait été ni vu ni entendu en public depuis cette date.

Le gouvernement a indiqué que M. Maduro assurerait l'intérim à la tête de l'État et qu'une élection présidentielle aurait lieu dans les 30 jours, conformément aux instructions laissées par Hugo Chavez. Le président avait préparé sa succession en chargeant le vice-président d'assurer la transition, mais aussi de se présenter en tant que candidat du parti socialiste au pouvoir en cas d'élection.

L'annonce de la mort du chef de file de la gauche latino-américaine a provoqué une véritable onde de choc au Venezuela et ouvre une période d'incertitude dans un pays fortement divisé entre partisans et détracteurs de celui qui a dominé la vie politique depuis son arrivée au pouvoir en 1999.